De jeunes militants distribuent, sous une pluie fine, des dossiers de presse. Cela se passe devant les chapitraux abritant le 2e Forum mondial des droits de l'homme (FMDH), qui s'est tenu à Marrakech du 27 au 30 novembre dernier. Marrakech (Maroc) De notre envoyé spécial Cinquante interdictions d'activité en l'espace de trois mois», est l'intitulé du document de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Elle a décidé de boycotter de manière «active» ce forum auquel ont été invités près de 5000 participants de diverses nationalités, selon les organisateurs. «Nous sommes contre le message officiel que l'on essaie de faire passer en organisant ce forum et qui veut dire que le Maroc est un pays de libertés et de démocratie. En guise de preuve, ils évoquent la présence d'ONG venues d'une centaine de pays. Ce message nous ne voulons pas le cautionner», déclare Khadidja Riadi, ex-présidente de l'Amdh. Son association a boycotté le forum pour dire : «Nous sommes loin d'un Etat de droit, nous sommes loin de la démocratie, nous sommes un pays de torture, d'injustice, de procès politiques… » En 2012, un rapport retraçant des cas de torture au Maroc a été présenté à l'ONU. Mais cela n'a pas changé grand-chose à la situation. «L'impunité encourage la torture», si bien que les atteintes à la dignité des citoyens, les traitements inhumain et dégradant, notamment dans les prisons et les commissariats n'ont pas cessé à ce jour, regrette encore la militante. Le tribunal d'Agadir a reconnu, il y a quelques mois, un cas de torture mais aucune enquête n'a été ouverte pour déterminer les responsabilités. «Le Maroc a ratifié la convention internationale contre la torture mais dans la pratique c'est autre chose. Il y a une différence énorme entre le discours et la réalité au Maroc», relève Khadija Riadi. L'ensemble des ONG sahraouies, qui revendiquent le droit à l'autodétermination, a boycotté aussi ce Forum mondial des droits de l'homme. Toutefois des jeunes de Laayoune ont préféré répondre présent. Lekhlifa Douihi, directeur de la publication du journal en ligne Sahara 24, basé à El Ayoun, brosse un tableau sombre de la situation des droits de l'homme dans son pays : «Nous assistons à des violations des droits de l'homme de manière méthodique. Plusieurs militants ont été arrêtés, torturés puis jetés hors de la ville. Les responsables de l'assassinat de Saïd Damber et Lembarki, tués par la police en 2005 et 2010, n'ont pas été jugés à ce jour.» Ces pratiques sont «récurrentes» que ce soit à Laayoune, à Dakhla à Smara ou à Boudjdour. Holding royale «Les associations qui militent pour l'indépendance du Sahara sont interdites et le droit de poursuivre en justice les responsables des dépassements n'est pas garanti par les mécanismes de l'Etat marocain. C'est pour cela que les populations du Sahara ont demandé l'élargissement des prérogatives de la Minurso à la protection des droits humains», rappelle Lekhlifa Douihi. Les restrictions touchent également certains médias internationaux interdits d'entrée au Sahara occidental de peur de les voir «révéler les graves atteintes» aux droits humains dont sont victimes les militants sahraouis. Les médias locaux sont «systématiquement empêchés» de couvrir les manifestations pour l'indépendance du Sahara, ajoute encore le jeune Sahraoui. L'indignation est perceptible partout à Agdel, lieu où ont eu lieu les conférences du FMDH. Des dizaines de jeunes ont manifesté pour dénoncer «le pillage des terres des Amazighs». Mohamed Daoudi, moins de 30 ans, milite au mouvement Ala Derb (sur la voie) 96. L'appellation fait référence aux émeutes survenues en 1996 à Tinghir, dans le sud-est du Maroc. Le mouvement accuse une filiale de la holding royale des mines, de «pillage» de terres et d'autres faits liés à la pollution. Cette société, Métaux d'Imidhr, exploite une importante mine d'argent et «accapare» les terres et les ressources en eau de la région alors que «la population ne gagne que la pollution et les arrestations», accuse Mohamed Daoudi. Une quinzaine de protestataires se trouvent en prison pour avoir participé à un rassemblement devant le château d'eau de la société mise en cause qui «bénéficie de la complicité des autorités locales et du makhzen de manière générale». Pour l'activiste de Tinghir, le FMDH est une «pièce de théâtre». D'autres pièces, plus folkloriques, sont jouées au cœur de Marrakech, à Jamaâ Lefna, avec des singes et des serpents qui amusent les touristes.