A Alger, la teneur des échanges entre des diplomates de l'Union européenne et une douzaine de journalistes algériens ont laissé un goût amer. La causticité des commentaires de certains responsables européens à Bruxelles, à l'égard de la situation politique et économique de l'Algérie, a, comme il fallait s'y attendre, provoqué l'ire des hauts responsables. C'est en tout cas ce que suggère la réaction d'une source proche des Affaires étrangères. «Nous ne pouvons pas réagir à ce genre de messages informels. Il y a des canaux officiels par lesquels l'Union européenne exprime ses points de vue. De la même manière, nous, en tant que pays souverain lié par un Accord d'association, apportons des réponses à toutes les questions posées par nos homologues européens», assure un diplomate qui a requis l'anonymat. Il en veut d'autant plus que «je n'ai pas entendu tout ce qui vient d'être dit dans le cadre de relations avec l'Union européenne». Et de lâcher, un brin accusateur : «S'ils ont dépassé ces canaux, c'est qu'ils ont leurs raisons. Je n'ai pas à les commenter.» Comprendre qu'il y aurait un lobbying de certains diplomates européens proches du makhzen, qui auraient intérêt à mettre en difficulté l'Algérie dans le contexte actuel. Cette hypothèse tient presque lieu d'évidence chez les hauts responsables algériens, pour qui le Maroc n'est jamais loin dès que les critiques fusent contre le régime. La théorie du complot Et c'est précisément de cela qu'il s'est agi à Bruxelles, où les journalistes algériens ont échangé librement avec des eurodéputés de différentes obédiences politiques, dont certains clairement favorables à l'indépendance du Sahara occidental. Mais on comprend aisément l'attitude défensive du régime, qui est à ce point frileux quand il est attaqué pour son incapacité structurelle à transformer son immobilisme politique en facteur de stabilité. Le maître-mot est alors de fermer la maison Algérie à double. «Nous sommes un Etat souverain. Nous n'acceptons pas qu'on vienne remettre en cause cette souveraineté», tonne notre diplomate. Et de trancher dans le vif : «Les informations de presse, ce n'est pas à moi de réagir !» Cette rencontre de Bruxelles entre diplomates européens et journalistes algériens est-elle un non-événement ? «Pas tout à fait, mais il y a toujours des intérêts derrière tout cela, en témoignent les noms des journalistes européens éventés dernièrement par le WikiLeaks marocain.» Pour autant, notre interlocuteur affirme : «S'ils avaient eu le courage de le dire haut et fort, on aurait répondu de la même manière.» Or, les eurodéputés ont assuré aux journalistes qu'ils ont déjà transmis leurs remarques aux responsables algériens de vive voix. Ceci dit, au-delà du souci des Européens de défendre leurs intérêts en Algérie et ailleurs –parfois par tous les moyens possibles – la théorie du complot n'explique pas tout. L'un de ces eurodéputés qui ont échangé avec les journalistes, que nos sources tiennent pour le chef d'orchestre de ces saillies contre le pouvoir, a déjà fait le voyage à Alger. En mai 2012, il avait servi comme observateur de l'UE lors des législatives et cautionné les «félicitations» accordées au régime quant au bon déroulement des élections. Il n'est donc pas très crédible de le couvrir de suspicion, aujourd'hui qu'il pose un regard critique sur l'état de l'Algérie bouteflikienne.