La tête entre les mains, Hervé, photographe de presse ayant connu les charniers en Bosnie et la folie meurtrière de Baghdad, hésite à prendre une décision : partir au Sud-Liban ou rester « poireauter » à Beyrouth. Ses contacts à Nabatéyah lui déconseillent de descendre alors que l'armée israélienne a effectué hier sa poussée la plus profonde au Sud-Liban, en se heurtant à une vive résistance du Hezbollah, tandis que l'aide humanitaire ne parvient toujours pas à des dizaines de milliers d'habitants bloqués. Cette « offensive élargie » a été lancée en dépit du vote, dans la nuit au Conseil de sécurité de l'ONU, d'une résolution appelant à une « cessation totale des hostilités ». On estime à 20 000 hommes la force israélienne chargée de créer une « zone tampon » au Sud- Liban. « Un cessez-le-feu est prévu pour lundi, en attendant, les Israéliens vont transformer davantage le Sud en enfer pour mettre le monde devant le fait accompli », souligne un journaliste libanais. La deuxième chaîne de télévision israélienne a affirmé, hier samedi, que la trêve pourrait intervenir lundi à partir de 7h. « Ils savent qu'ils perdront beaucoup d'hommes, mais Olmert doit briser les dissensions qui minent son cabinet. S'ils réalisent une avancée de quelques kilomètres, il pourra montrer son visage aux militaires fortement contrariés depuis le début de l'agression », estime un expert militaire, ancien officier de l'armée libanaise. La résolution onusienne est perçue à Beyrouth comme un « plafond minimum » des revendications libanaises officielles. Pour l'homme de la rue, il s'agit d'une action en retard et d'un signe de l'accélération des destructions commises par Israël. Et le sort du secteur des fermes de Chebaâ occupé par Israël à la frontière israélo-libano-syrienne reste en suspens. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, l'a clairement dit, hier soir, sur Al Manara - dont la continuité des programmes reste un objet de curiosité et d'admiration ici à Beyrouth - Il respecte la résolution, mais continuera le combat tant que se poursuit l'agression. « La guerre ne s'est pas terminée à minuit (heure du vote de la résolution à New York) (…) Nous ne devons pas commettre une erreur, pas dans la résistance, ni au gouvernement ni dans la population, et croire que la guerre est finie. La guerre n'est pas finie. Ils continuent de frapper et de faire des victimes », a-t-il dit. Le Hezbollah a exprimé des réserves par rapport à la résolution onusienne qui ne condamne pas l'agression et les destructions israéliennes, ni ne parle explicitement, ni des cas des prisonniers en Israël, ni du retrait immédiat de l'armée israélienne. Réserves que le Hezbollah devait présenter devant le Conseil des ministres dans la soirée d'hier. « Cette guerre est terrible, difficilement photographiable : à peine les positions des uns et des autres sur le terrain se précisent, qu'il y a un chamboulement », fait remarquer Hervé qui décide en fin de compte de laisser tomber son déplacement vers le Sud et préfère attendre le probable cessez-le-feu de lundi. « Mais il n'y aura plus rien à voir », dit-il alors que des bruits d'explosions retentissent dans le ciel de Beyrouth un mois après le début de l'agression israélienne.