Inquiet, perturbé, roublard, ambitieux et révolté, le profil de l'étudiant cadre parfaitement avec celui de tous les jeunes Algériens. Sujet au burn-out général imposé par un environnement usant, cet étudiant souffre de contraintes quotidiennes qui l'empêchent de se consacrer à sa raison d'être, celle de l'acquisition du savoir et savoir-faire. Face à une politique éducative qui se focalise sur la gestion bureaucratique des flux, au recul du niveau de l'enseignement, à la dévalorisation des diplômes, à l'absence de débouchés professionnels, et surtout à la dépréciation affligeante de l'aspect pédagogique, le jeune apprenant s'est adapté en adoptant un pragmatisme pas toujours sain. Elevé dans un environnement où la réussite (sociale, professionnelle ou scientifique) n'est pas tributaire de l'effort ou de la compétence mais du népotisme, corruption et roublardise, il ne tolère aucune règle qui peut contrecarrer ses ambitions. L'acquisition du diplôme est devenue un droit. Et cet esprit de contestation a brillé tout au long de l'année par des mouvements de protestation, de grèves qui ont touché pratiquement tous les établissements du Supérieur. Dans certaines universités, on a même vu un petit groupe d'étudiants (trois ou quatre), pour des raisons parfois ahurissantes (exclusion pour absence, refus de rachat), fermer un département entier des semaines durant. De ce «pouvoir» abusif (dans certains cas), l'étudiant en a pris conscience car l'administration et sa tutelle, répondant à la politique générale qui consiste à laisser-aller et laisser-faire pour maintenir «la paix sociale», ne sanctionnent pas. C'est un problème de légitimité. Cette force revendicative n'est toutefois pas toujours abusive. Les incohérences des cursus et la cacophonie qui règnent dans la gestion de l'Université et de l'enseignement supérieur alimentent allègrement ces colères. L'équivalence des diplômes, la crise du LMD, l'accès à la post-graduation et les conditions pédagogiques et sociales sont autant de raisons pour faire sortir les apprenants de leurs gonds. Ainsi, l'étudiant algérien, conscient de son environnement social et politique, est une boule de nerfs qui risque de piler tout ce qui entrave son chemin. Le fait nouveau, c'est qu'aucune organisation estudiantine — parmi toutes ces entités fantoches et vassalisées qui ne se consacrent plus qu'à la gestion intéressée des cités et des restaurants universitaires — n'arrive à encadrer ou mobiliser ces étudiants. Ce sont donc des alliances et des comités d'étudiants qui naissent souvent via les réseaux sociaux qui font bouger les apprenants, avec le risque flagrant de manipulation. Pour conclure, l'étudiant, malgré tout ce que les responsables lui imputent comme défauts, n'est pas à blâmer. Il s'est simplement adapté à son environnement et renvoie à la société le modèle qu'elle a produit.