A la mort de son mari, elle s'est retrouvée à la rue, avec à sa charge trois enfants. La soixantaine, Mme Mizidi vit de la charité de certaines familles qui l'hébergent «seulement pour quelques jours». «Depuis la mort de mon mari, je suis ballottée d'une maison à une autre. Les héritiers du logement de la cité El Allia (Alger), où j'habitais, ont réussi à nous mettre dehors sur décision du juge. Les 42 millions qu'a eus mon mari après la ‘‘fridha'' m'ont aidé à louer la première année seulement. Je suis dans la rue depuis mon expulsion en 2009. Mon salaire de 13 000 DA me permet à peine de survivre. Mes enfants vivent ce drame avec moi», raconte, éplorée, Mizidi Djmaâ, vit avec ses trois enfants d'une trentaine d'années. Les demandes déposées par cette veuve pour un logement décent sont rejetées sous prétexte qu'elle ne dispose pas d'un acte de résidence en bonne et due forme. «On me met sous le nez une liste de documents à fournir pour le dossier de logement. Comment pourrai-je me dégoter cette résidence, en en trafiquant une ? La décision d'expulsion aurait dû, comme le veut pourtant la réglementation, remplacer la résidence. Mais ces gens soi-disant légalistes ne veulent rien entendre», s'offusque-t-elle. Le comité SOS Expulsions, hébergé par la LADDH, a recensé le cas de Mme Mizidi et plusieurs autres. Depuis la création du comité en 2009 – son siège est situé à la rue Docteur Saâdane –, quelque 1400 dossiers ont été déposés. Des bâtiments entiers vidés Des centaines d'expulsés sont recensés dans toutes les villes du pays, au Centre particulièrement. Dans le seul quartier populaire de Belouizdad, où le parc immobilier est aux mains de particuliers, plus de 200 expulsions ont été dénombrées durant l'année 2014. «Nous avons recensé 128 cas dans cette dramatique situation avec un jugement définitif rendu depuis le deuxième trimestre de 2012. Soixante autres familles sont en instance d'expulsion», a indiqué la présidente de l'APC de Belouizdad, Mme Dehina Naïma, dans un précédent entretien publié par El Watan (18 août 2014). Des procédures de justice sont engagées par les héritiers contre les locataires, qui louaient pour certains depuis l'indépendance ou même avant. «Lorsque l'on sait que 73,73% du parc immobilier appartiennent au privé, j'imagine le nombre de cas d'expulsés que l'on devra traiter. Ces gens ne savent même pas qu'ils ne sont pas propriétaires, et certains n'ont même pas déposé de dossier pour obtenir un logement. Au n°3, rue Mohamed Douar, plus de 70% des locataires d'un immeuble ont été expulsés», a indiqué l'élue. Les décisions d'expulsion pèsent sur les enseignants et leurs familles qui résident dans des logements de fonction ou d'astreinte. Des retraités avaient été destinataires, depuis plusieurs mois, de mises en demeure. A Tixeraïne (Birkhadem), une vingtaine de familles attendent «la peur au ventre» l'exécution d'une décision de justice après le passage d'un huissier. Saïdani Ali continue d'habiter avec ses trois frères et sa mère le même logement occupé par son père juste au lendemain de l'indépendance (1963). «Le directeur de l'Institut national de formation des cadres de la jeunesse (INFCT) a décidé de nous expulser nous et une vingtaine d'autres familles. Nous habitons là depuis 50 ans, d'autres un peu moins. Personne n'a bénéficié d'un appartement. Tous ont des familles à charge. Les mettre dehors, c'est commettre un massacre», déplore Ali. Des enseignants à la rue ! Un collectif des retraités de l'éducation nationale a dernièrement dénoncé les décisions d'expulsion dont sont destinataires d'anciens directeurs de l'éducation. Les protestataires ont dénoncé le «non-respect des textes réglementaires» (El Watan du 3 janvier 2015). Les rédacteurs du courrier adressé au président de la République signalent : «En tant que locataires que nous sommes devenus, nous avons droit au maintien dans les lieux avec tous les avantages que la loi de 1981 prévoit, l'indexation de notre pension de retraite au coût actuel de la vie pour nous permettre de payer ailleurs un loyer qui dépasse notre revenu au titre de la pension.» Ils réclament, comme alternative, une indemnité d'éviction pour leur «permettre d'acquérir un autre logement au prix coûtant actuellement». Les autorités ne semblent pas faire cas de cette catégorie ni même des autres expulsés. A part le fax du wali d'Alger (2010), qui demande à ses subordonnés de recenser les familles «après les articles de presse», rien n'a été fait. L'Etat, qui montre sa générosité envers les occupants des bidonvilles et des terrasses, «expulse» de son agenda les familles mises à la rue par décision de justice alors qu'elles n'enfreignent aucune loi.