Doit-on prendre au sérieux le Maroc, conclure des accords avec lui, le considérer comme un partenaire honnête, lui faire confiance ? Il se prend pour ce qu'il n'est pas : une puissance qui veut dicter sa loi au monde. C'est ainsi qu'il a décidé unilatéralement qu'un référendum d'autodétermination au Sahara-Occidental est « obsolète » et « inapplicable ». A quel titre peut-il prononcer cette sentence ? Ce sont les Nations unies qui ont décidé depuis 1966 l'application au Sahara-Occidental de la résolution 1514 sur le droit des peuples sous domination coloniale à l'autodétermination et à l'indépendance. Le régime de Rabat de l'époque avait soutenu totalement la démarche. Les trois pays voisins du territoire finiront même par conjuguer leurs efforts afin que le peuple sahraoui puisse recouvrer ses droits. Mais chassez le naturel et il revient au galop. Le Maroc rétrograde et expansionniste et qui à la fin du XXe siècle rêvait encore d'empire, de « droits historiques » sur ses voisins. Il a suffi que les Forces armées royales (FAR ) tentent deux coups d'Etat en 1973 et 1974 pour que le Trône prenne peur. Il lui fallait trouver une diversion et un « ennemi extérieur » pour ressouder l'« union sacrée » autour du roi. A la même époque, l'Espagne, puissance occupante, annonçait sa décision de se retirer du Sahara-Occidental. C'est l'occasion que va saisir le roi Hassan II. Il se mettra alors à revendiquer la « marocanité » du territoire. Mais en octobre 1975, nouvelle volte-face. Il décide de le partager avec la Mauritanie dès le retrait espagnol en février 1976. Bien entendu, les Sahraouis ne se laisseront pas faire. Ils avaient déjà déclenché leur guerre de libération en mai 1973 contre l'Espagne sous la bannière du Front Polisario et n'entendent pas s'arrêter d'autant que le nouveau colonisateur est un « frère ». Leur résistance fait plier le maillon le plus faible, la Mauritanie. Celle-ci décide de se retirer de la partie qu'elle occupe après un accord conclu en juillet 1978 avec la direction sahraouie. Nouveau revirement de Rabat. Ses troupes occupent la partie évacuée par les Mauritaniens au nom de la construction d'un mythique « grand Maroc qui ira jusqu'au fleuve Sénégal et avalera une bonne partie de l'Algérie ». Mais ce rêve impérial va se briser face à la guerre de libération menée avec succès par l'ALPS. Ces « mercenaires à la solde d'Alger » deviennent brusquement incontournables. Le roi Hassan II se déplace en 1981 à Nairobi où il annonce solennellement devant le Sommet de l'OUA son accord pour l'organisation du référendum d'autodétermination tant réclamé par les instances internationales. Poussant plus loin cette logique, il ira jusqu'à rencontrer à Rabat, quelques années plus tard, une délégation du Front Polisario. Il engagera des négociations avec ce dernier, notamment à Lisbonne et à Bamako. On commence à croire en la paix dans la région. Sous les auspices des Nations unies, un cessez-le-feu est conclu entre les deux parties en septembre 1991. Un plan de paix, mis au point par l'OUA, est repris à son compte par l'ONU, qui décide de créer la Minurso et l'envoi de casques bleus pour préparer le terrain à l'organisation du référendum. Le secrétaire général de l'ONU nommera quelques années plus tard son représentant personnel pour mener à bien la mission. Il choisit un ancien secrétaire d'Etat américain, James Baker, connu pour être un « faiseur de paix » pour avoir réuni Arabes et Israéliens à la même table à Madrid. Il se met au travail et réussit à convaincre Marocains et Sahraouis rassemblés à Houston d'accepter un plan pour régler définitivement la crise. Les deux parties se mettent à la table. La réussite semble proche. Mais encore une fois, Rabat renie ses derniers engagements. Le roi Hassan II ne veut plus entendre de référendum. Il propose tout juste une politique de régionalisation qui touchera le Sahara-Occidental. En clair, il exige la reddition des Sahraouis et veut que la communauté internationale soutienne cette forfaiture. Il a sans doute pris exemple sur Israël. Le Maroc n'est-il pas devenu le second pays au monde, après l'Etat hébreu, à violer les résolutions des Nations unies ? Mohammed VI en fera de même en faisant preuve d'agressivité à l'égard de l'Algérie. Il se croit assez puissant pour croire qu'il imposera son diktat. Pourtant, il suffit que les Sahraouis reprennent les armes pour lui faire baisser le caquet. Et c'est une éventualité à ne pas écarter.