Les dénégations d'anciens dirigeants du parti dissous quant à leur implication dans les actes terroristes, commis en Algérie durant la décennie noire, remettent au goût du jour la fameuse thèse du «qui tue (a tué)». C'est une règle chez les anciens activistes «repentis» du parti dissous dans ses branches politique et armée que de se poser en victimes expiatoires pour pouvoir bénéficier des largesses de la loi sur la réconciliation nationale. Leurs écrits, leurs déclarations et surtout les stigmates indicibles du terrorisme portés par les victimes et leurs familles sont pourtant bien là pour prouver le contraire. Après avoir fièrement soutenu et fait allégeance aux groupes terroristes qualifiés de «moudjahidine», les «politiques» de l'ancien parti dissous tentent de distiller un nouveau discours en direction de l'opinion et du pouvoir, visant à faire croire qu'ils n'avaient rien à voir avec les groupes terroristes qui se réclamaient pourtant sans la moindre réserve du parti dissous. C'est le message que s'est évertué à faire passer Anouar Haddam dans un entretien au site électronique toutsurl'Algérie, soulignant à qui voudrait le croire que le parti islamiste dissous n'a jamais disposé de branche armée. Madani Mezrag, l'ancien chef de l'Armée islamique du salut (AIS) vient, dans un entretien à la chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya, de lui apporter la contradiction en assumant publiquement les assassinats commis par son organisation, assassinats justifiés par «la légitime défense» et «le détournement du choix populaire». Toutes ces déclarations politiques faites sur le mode de l'autojustification face à un prétendu déni de justice sont loin de concourir à l'apaisement des mémoires meurtries par la tragédie de la décennie noire qu'est censée favoriser la loi sur la réconciliation nationale. Imaginons un instant la souffrance incommensurable des familles victimes du terrorisme devant les déclarations provocatrices de Madani Mezrag qui, avec un sang-froid désarmant, persiste et signe avoir assassiné des Algériens ! Ni pardon ni regret, l'homme n'a rien renié de ses convictions. Comme de coutume, la justice n'a rien entendu. Ironie du sort, c'est aux victimes que l'on demande de pardonner à leurs bourreaux ! Cette guerre des mots qui rajoute de l'huile sur le feu aurait pu être évitée si le projet de réconciliation nationale, qui est un concept noble dans son essence, avait respecté les règles éthiques et politiques qui fondent toute œuvre de reconstruction nationale. Laquelle ne saurait réussir sans l'indispensable respect de la mémoire et de la vérité, qui passe par la force du droit qui doit être prononcé de manière lucide et loin de toute surenchère. L'Afrique du Sud de Mandela l'avait bien compris en mettant en place une commission indépendante pour «la vérité et la justice» qui a débouché sur la fin de l'apartheid et le renouveau du pays. Tant que le politique se substitue à la justice et que des dossiers gênants du terrorisme sont placés sous l'éteignoir au nom de la réconciliation nationale, les tenants de la thèse du «qui tue qui ?» auront encore de beaux jours devant eux pour nier en bloc, en toute impunité, ce qu'ils s'enorgueillissaient hier de revendiquer sur les plateaux de télévision. Anouar Haddam, qui s'active pour retourner au pays, a tout résumé en avouant avoir cette fois-ci «frappé à la bonne porte».