«On ne peut pas reprocher à quelqu'un d'avoir adhéré à un parti légal (l'ex-FIS)», note le président de la Cncppdh. Le bilan de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale «est extrêmement positif parce que les objectifs du projet ont été atteints dans des proportions qui égalent ou qui excèdent les 95%». C'est là l'une des sentences livrées hier par Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l'homme (Cncppdh) dans une interview accordée au journal électronique Tout sur l'Algérie, à l'occasion du septième anniversaire de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Ce jugement contraste avec celui des familles des victimes de la tragédie nationale qui demeurent encore en quête de la vérité sur les disparitions forcées de leurs fils ou de leurs proches. Le rassemblement de protestation, organisé samedi dernier à l'occasion de la commémoration du 7ème anniversaire de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, pour revendiquer la vérité sur le sort de leurs fils et proches portés disparus constitue donc une remise en cause directe du satisfecit du discours exprimé par Me Ksentini. Sachant que le texte portant sur la réconciliation est qualifié par les organisations et associations de «charte de la honte» cela d'une part et de l'autre, Me Ksentini a prêté main-forte aux ex-dirigeants du Front islamique du salut (FIS) en plaidant, indirectement, en faveur de leur réhabilitation dans le paysage politique national. Un parti qui, pour rappel, a été dissous en 1992 par la justice algérienne l'accusant d'être coupable et responsable de la tragédie nationale. Néanmoins, le président de la Cncppdh vient d'admettre que le retour de ceux parmi eux ayant bénéficié des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, n'est pas à exclure. D'autant plus, affirme-t-il, que «les choses peuvent changer au fur et à mesure que le temps passe». Et pour nombre d'observateurs de la scène politique, les déclarations de Me Ksentini ne sont qu'une énième provocation à l'adresse des victimes de la tragédie nationale. C'est dire que le président de la Cncppdh joue avec le feu, sachant que les plaies des années de feu et de violence demeurent encore ouvertes. «En ce qui concerne les chefs de l'ex-FIS, la question est tout autre. Je pense que les positions peuvent être révisées si eux-mêmes révisent leurs positions et reviennent à de meilleurs sentiments. On ne peut pas reprocher à quelqu'un d'avoir adhéré à un parti légal», note-t-il, ajoutant qu'il ne faut jamais oublier que c'était un parti légal. La réhabilitation des dirigeants de l'ex-FIS relèverait même de l'intérêt national. «Il faut toujours placer les intérêts supérieurs de la nation au-dessus de tout», soutient le président de la Cncppdh. Plus grave encore, Me Ksentini pense que les choses peuvent changer en faveur des ex-dirigeants du parti dissous. «La vie est faite ainsi. Les choses peuvent changer au fur et à mesure que le temps passe. Je pense que les points de vue peuvent être modifiés», note-t-il. Avant de poursuivre contre toute attente: «Tout peut faire l'objet de révision. Je pense que le texte de la Charte ne visait que les chefs de l'ex-FIS.» A l'évidence, pour Ksentini, il n'est pas exclu, voire normal que Anouar Haddam revienne sur la scène politique. Tout est apparemment possible. Cet ancien membre du conseil consultatif de l'ex-FIS, qui ne figurait pourtant pas dans le premier cycle des chefs islamistes, exilés aux Etats-Unis, est surtout connu pour avoir revendiqué et salué l'attentat du boulevard Amirouche (Alger) qui avait coûté la vie à des dizaines de citoyens. Outre Haddam qui continue à faire du bruit à partir des Etats-Unis, on peut donc voir revenir sur la scène d'anciens dirigeants de la branche armée de l'ancien parti islamiste, en l'occurrence Benhadjar, Madani Mezrag ou encore Abdelhak Layada. Ces derniers, chefs terroristes, repentis après la Concorde civile en 2000, se sont reconvertis dans les affaires, mais ne ratent pas une occasion d'occuper les espaces médiatiques. Cela n'est-il pas un signe très fort de leur part montrant qu'ils gardent un oeil sur la scène politique? On ne sait jamais... la vie est faite d'une succession de surprises et de paradoxes. Les rêves de Me Ksentini peuvent donc se réaliser et voir les ex-dirigeants du FIS remobiliser leurs réseaux dormants et conduire le peuple vers des horizons incertains. N'assiste-t-on pas depuis l'éclosion du printemps arabe à l'arrivée des islamistes au pouvoir, tout en bombant le torse?