C'est dans les années 1990 que Yacine Bounekraf le guitariste, Ouahib le bassiste, Mohamed le batteur et Djamel à la synchro avaient décidé de former leur groupe de musiciens à Alger : Yahlil. Bien avant, ils se rencontraient chaque soir pour chatouiller leurs cordes vocales et instrumentales dans l'arrière-fond d'un local commercial vide ou, à tour de rôle, chez eux. Tous autodidactes, ils avaient appris à manier les instruments à l'âge où ils étaient des bambinos. Ce n'est qu'à partir de 2002 que la carrière du groupe prit une autre tournure. Précisément au lendemain de leur participation à une émission musicale à la Chaîne III. Leur appétit des planches, des scènes et des estrades s'aiguisa pour se transformer en une inspiration musicale de tout instant. Dépassant les frontières du rythm'n'blues qu'ils s'étaient fixées au départ, le quatuor se mit à la musique et à la chanson gnawi, chaâbi et toute autre expression lyrique qu'il joue sans fausse note. « Lorsque les spectateurs le demandent, nous n'hésitons pas à improviser des morceaux de différentes musiques de chez nous ou d'ailleurs. Si l'on se réfère aux applaudissements nourris qui succèdent à nos prestations, je peux affirmer que nous réussissons à chaque fois à plaire et même à envoûter », affirme Yacine le plus jeune guitariste du groupe, à peine âgé de vingt ans, en marge du festival national hip-hop de Annaba auquel il avait assisté en spectateur. Il n'y a pas de hiérarchie au sein de Yahlil. Il n'y a que des complices, une bande de quatre copains amoureux de la musique et de la chanson. Comme les mousquetaires, ils se disent un pour tous et tous pour un. Sous l'impulsion de Djamel le plus âgé d'entre eux, ils font entendre leur musique et leurs chansons où le blues est omniprésent. C'est dans ce genre qu'ils ont composé les sept chansons de leur album qui vient de paraître. Préalablement, ils se contentaient d'animer des fêtes entre copains, familiales, des concerts dans des commerces en bordure de mer ou dans le grand-Alger. Leurs prestations symbolisent toujours la fraîcheur et la spontanéité. Elles sont constantes pour former un tapis sonore époustouflant de rythm'n'blues qui entraîne l'adhésion immédiate. Des chansons en blues, comme Yahlil, Ya dounia, Fendjel Kahoua et beaucoup d'autres jouées et chantées par le groupe Yahlil, suppléent à l'occasionnelle banalité en mêlant promiscuité et chaleur humaine. On y trouve un éloge de professionnalisme mêlé de passion dans l'exploration, l'exploitation et la prestation de toutes les formes lyriques. Des galères, le groupe a vécu des moments durs liés à l'absence de moyens financiers et à l'indisponibilité de locaux pour répéter et créer. Ce qui ne les a pas empêchés de persévérer et de poursuivre leur ascension à la conquête des étoiles. En effet, les quatre copains ont plusieurs cordes à leur arc. Changeants certes, lorsqu'ils jouent des morceaux de B. B. King, Jimmy Hendrix, Hooker, John Lee, mais toujours fidèles à eux-mêmes. Yacine, Ouahab, Mohamed et Djamel travaillent un blues avec un arrangement tellement superbe que l'on ne s'étonne même pas qu'ils chantent autre chose que ce que l'on attend d'eux : un rythm'n'blues du terroir. Durant leur prestation, tout passe dans une harmonie languissante et captivante à la fois. Ils prospectent l'intérieur des formes traditionnelles du blues pour évoluer lentement vers un style de plus en plus rythmé avec, pour aboutissement, un idiome lyrique bien de chez nous. Ces dernières années, le groupe s'est davantage amélioré en transformant sensiblement son style musical et vocal. Il a conservé une extraordinaire puissance dans les notes et dans le ton avec une âme d'origine en glissant, parfois, vers une élocution proche de l'improvisation. Sous leurs doigts et avec leurs paroles, la mélodie devient errante alors que se développe crescendo le rythmique. « Yahlil a de l'avenir », dira du groupe Abdelatif, leur hôte à Annaba et à qui on ne la fait pas quand il s'agit de blues et de musique gnawi.