Peut-on respecter le schéma directeur d'aménagement du territoire quand on est incapable d'appliquer les plans d'occupation des sols (POS) ou lorsqu'on met cinq ans pour approuver un plan directeur d'aménagement urbain (PDAU) au niveau d'une quelconque commune ? C'est la question posée par une élue de l'APW de Tizi Ouzou lors de la rencontre ayant regroupé, hier à Boumerdès, la ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire et les walis de dix wilayas du nord-centre du pays ainsi que des cadres et des représentants de la société civile. Un regroupement fort intéressant, qui a donné lieu à un débat intense sur les problèmes liés à l'aménagement du territoire en Algérie en général et dans la région Nord-Centre en particulier, qui compte les wilayas d'Alger, Tipasa, Boumerdès, Tizi Ouzou, Béjaïa, Blida, Médéa, Bouira, Chlef et Aïn Defla. La rencontre a été organisée à l'effet d'y relancer le schéma d'aménagement de l'espace de programmation territoriale (SEPT). Si la ministre, Dalila Boudjemaâ, a usé de belles paroles pour rappeler les objectifs de son département, la plupart des présents, dont des présidents d'association, n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère pour dénoncer les atteintes à l'environnement et la non-application sur le terrain des lois en vigueur. «Le développement se fait au détriment de l'environnement. Trouvez-vous normal qu'une commune comme Dellys ne soit pas encore dotée d'une station d'épuration», se demande le maire de Dellys. Intervenant dans ce sens, le président d'une association de Béjaïa s'étonne qu'aucun responsable ne se soit levé pour dénoncer le détournement des terres sur le littoral de la wilaya. La société civile sceptique L'orateur a plaidé pour une réelle concertation entre la société civile et les pouvoirs publics pour garantir un développement harmonieux, équitable et durable et une répartition rationnelle et équilibrée du peuplement et des activités sur l'ensemble du territoire national. Une élue à l'APW de Tizi Ouzou estime que «le territoire appartient à tous, mais il est géré par une seule partie, l'administration». Un autre intervenant, venu de Bouira, a suggéré de trouver d'abord des solutions au problème du foncier en vue de stopper l'avancée du béton au détriment des terres agricoles. La ministre s'est voulue rassurante : «Nous voulons impulser une nouvelle dynamique afin de réorganiser le territoire et corriger les graves distorsions constatées, mais aussi s'adapter au mieux aux exigences du nouveau contexte économique tout en veillant à la durabilité du développement au niveau de toutes les régions du pays.» Selon Mme Boudjemaâ, les études du SEPT ont été confiées en 2010 à un bureau d'études français, mais le ministère a gelé son contrat au motif qu'il a failli à ses engagements. Cet instrument de prospective territoriale devra faire un état des lieux qui permettra le diagnostic, les tendances et les enjeux majeurs pour les 20 ans à venir au niveau de l'espace précité. Comme il aura à définir les scénarios de développement et le choix d'alternatives pour le futur possible et souhaitable. Cela suivant les orientations stratégiques partagées et le cadre général tracé par la loi n°10-02 du 29 juin 2010 relative au SNAT. Cette partie du territoire, considérée comme la locomotive de tout le pays, est en proie à des déséquilibres aux conséquences incalculables. Urbanisation non maîtrisée «Il s'agit d'abord d'un espace qui fonctionne à deux vitesses et qui reproduit les conflits et les déséquilibres caractérisant le territoire national», affirme d'emblée Salah Bey, directeur du Bureau national d'études pour le développement rural (Bneder), chargé d'actualiser et de finaliser le SEPT. «Aujourd'hui, l'aire métropolitaine algéroise subit une pression insoutenable sur le littoral, qui enregistre des niveaux de pollution très importants. Les dégradations des espaces naturels littoraux sont souvent irréversibles. L'urbanisation de plus en plus forte, concentrée sur le littoral et la plaine de la Mitidja, induit un développement urbain non maîtrisé, en tache d'huile», a-t-il averti. L'étude menée par le Bneder fait état d'une grande pression sur le foncier agricole. Selon lui, si rien n'est fait à court terme, 20 000 ha de terres agricoles, au minimum, seront sacrifiés pour les besoins de la population en matière d'habitat et des activités liées aux secteurs des services et de l'industrie.