Les travailleurs de la SNVI de Rouiba sont revenus à la charge, hier, pour exiger la préservation du patrimoine immobilier de leur entreprise et la récupération du terrain occupé par le transporteur privé, Tahkout Mahieddine, depuis trois jours. Les manifestants ont paralysé toute la zone en signe de protestation contre «les velléités affichées par des parties occultes d'accaparer le patrimoine foncier de leur entreprise». Les deux axes routiers desservant ce pôle industriel, qui regroupe pas moins de 130 sociétés, ont été bloqués durant toute la journée. Les zones industrielles de Rouiba et Réghaïa étaient quasiment inaccessibles par véhicule. «Personne n'est venu nous expliquer cette histoire de parcelle occupée par Tahkout. C'est de la provocation. Nous n'allons jamais nous taire jusqu'au départ des bus stationnés sur place», ont crié certains manifestants. Un cadre de la SNVI a affirmé qu'une plainte a été déposée contre Tahkout pour avoir empiété sur une propriété de l'entreprise. Selon un syndicaliste, les bus de Tahkout ont été parqués sur le terrain en question, dans la nuit de dimanche à lundi. «Ses employés étaient accompagnés de chiens de garde. Ils avaient enlevé le grillage qui faisait office de clôture, puis ont fait entrer une trentaine de bus vétustes», précise-t-il. La démonstration des travailleurs était prévisible, surtout lorsque l'on connaît leur engagement à défendre les intérêts de leur outil de production. Un engagement qu'ils ont prouvé à maintes reprises par le passé. Hier, ils étaient plus de 2500 à avoir abandonné leur poste pour crier haut et fort que la SNVI n'est pas à vendre. «On demande à Tahkout d'aller voir ailleurs», lance un employé de la division fonderie. Fidèles à leur tradition, la plupart étaient sortis en tenue de travail, entonnant des chants patriotiques et des slogans contre le bradage des entreprises publiques. Les gendarmes dépêchés pour contrecarrer leur action n'ont rien pu faire pour rouvrir la route à la circulation automobile. Un potentiel inexploité Même les camions de marchandises ont été obligés de rebrousser chemin et chercher d'autres routes pour rallier leur destination. «Les gendarmes nous soutiennent. Ils savent très bien que nous sommes des pacifistes et que nous ne faisons pas de politique. Et puis, ils n'ont pas intérêt à user de la force avec nous», fulmine Hocine, un ouvrier de l'unité carrosserie. «Demain ce sera tous les travailleurs (60 000 environ, ndrl) de l'entreprise qui vont sortir dans la rue. Car rien n'a été fait pour faire sortir les bus de Tahkout de la SNVI», a déclaré M. Benmiloud, le secrétaire général de la section syndicale. Notre interlocuteur dit ignorer totalement si Tahkout a obtenu une autorisation pour l'exploitation dudit terrain. Contacté, un responsable de la SNVI affirme, sous le sceau de l'anonymat, que les documents dont ils disposent démontrent que la parcelle en question relève de leur propriété. Toutes nos tentatives pour joindre Tahkout Mahieddine et l'organisme qui gère la zone industrielle de Rouiba (Gestimal), pour entendre leur version sont restées vaines. Pour certains travailleurs, Tahkout ne s'attendait guère à ce qu'il soit dénoncé. «L'assiette où il avait garé ses véhicules était livrée à l'abandon. C'est pour cela qu'il veut l'accaparer», soutiennent-ils, ajoutant que la SNVI dispose de vastes terrains qui ne sont pas encore exploités. «La SNVI a tous les moyens pour devenir leader dans la construction de véhicules industriels en Afrique, mais il y a des gens haut placés qui veulent la saboter», accuse un travailleur qui cumule 27 ans d'expérience au sein de l'entreprise. «Il y a quelques jours, les banques publiques nous ont accordé un crédit de 92 milliards de dinars pour son développement, mais avec la suspension de la vente de nos bus à l'Etusa et le silence affiché par les autorités après l'intrusion de Tahkout, je soupçonne qu'il y ait encore des parties qui œuvrent pour empêcher sa modernisation», conclut-il avec un brin d'amertume.