«Si la transmission constitue l'enjeu majeur pour la sauvegarde d'une langue, les conclusions de notre enquête menée à Béjaïa nous indiquent que le français tend à devenir une langue maternelle en lieu et place de tamazight», a affirmé Bachir Bessaï, docteur en science du langage, lors d'une table ronde qu'il a animée conjointement avec Djamal Arezki, doctorant à l'EHESS de Paris et Messaoud Soualeh, PES de tamazight, la semaine dernière, à la maison de jeunes A/Rahmane Farès d'Akbou. L'invité de l'association Etoile culturelle a fait allusion à tous ces parents qui apprennent à leurs enfants en bas âge la langue de Molière, mais estimera, toutefois, que «le kabyle n'est pas menacé d'extinction par d'autres langues ou dialectes» et fera remarquer que «dans le monde, les minorités linguistiques sont généralement bilingues». En rappelant les droits élémentaires d'être reconnu dans une communauté linguistique et de parler sa langue en privé et en public, comme stipulé dans la Déclaration universelle des droits linguistiques, l'orateur rappellera qu'«une langue est un patrimoine immatériel universel et la pluralité linguistique constitue une richesse et non une menace pour le pays. Nombre de pays développés ont plusieurs langues officielles. C'est l'exclusion d'une composante nationale qui engendre des tensions entre les minorités et saborde l'harmonie sociale.» Les présents à cette table ronde ayant pour thème «Tamazight langue nationale et officielle : une exigence historique», animée à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la langue maternelle, aura permis de rappeler à l'assistance le combat inachevé de la revendication identitaire. M. Arezki dira à ce propos que «l'enseignement à caractère facultatif de tamazight n'est pas normal et cette ségrégation entre les langues doit cesser en officialisant tamazight. Vivre à l'école l'aspect affectif de sa langue maternelle est important chez l'élève». Le conférencier soulignera que la promotion politique de l'arabe classique s'est faite au détriment de l'arabe populaire et de tamazight et nourrira des craintes sur le complexe du colonisé qui engendre la haine de soi. En somme, et c'est ce que fera remarquer M. Soualeh, «l'acceptation de l'autre sur les plans identitaire et religieux, notamment, est l'un des défis que doit relever présentement l'éducation citoyenne mondiale».