L'universitaire qui est également responsable du Centre national de défense des droits de la femme et de l'enfant, déplore la résistance de certains juges et fonctionnaires de l'état civil au changement. Il y a une année, au lendemain de la publication des amendements du code de la famille, Nadia Aït Zaï, enseignante à la faculté de droit, à l'Université d'Alger, s'exprimait sur leur teneur. Les qualifiant de flous, elle estime aujourd'hui que cette ambiguïté compromet la mission des magistrats qui, à cause d'une mauvaise compréhension des modifications, sont dans l'impossibilité de les appliquer. Par ailleurs, la frilosité politique qui a prévalu dans la révision de la loi de 1984 est la même qui distingue certains juges passéistes. “Une loi ne peut pas se conformer à une mentalité rétrograde”, commente la juriste. Tutorat matrimonial et parental, conclusion du mariage, polygamie, divorce… Les changements en vigueur depuis le printemps 2005 ont du mal à trouver écho auprès de ceux chargés de leur exécution. Quelquefois , les agents de l'état civil et les magistrats font du zèle et les appliquent selon convenance. La présentation du certificat médical étant devenu obligatoire dans la conclusion du mariage, des élus ont profité de l'aphasie de cette disposition pour lui inventer d'autres vertus, d'ordre moral. Ainsi, à la place du certificat de bonne santé des fiancés, il est réclamé de la femme un certificat de virginité. “Cette pratique est courante, notamment à l'ouest du pays. Cela conforte les parents dans la qualité du produit à vendre. C'est presque un certificat d'authenticité”, ironise Mme Aït Zaï. Considérant l'attestation de bonne santé comme salutaire dans la construction de la famille, elle réclame qu'elle soit “définie dans son contenu”. “Nous nous engageons pour avoir des enfants saints”, stipule la juriste. Cette tendance des maires à suppléer aux aspirations des futurs époux se vérifie également dans l'obligation signifiée par certaines APC à la présence du père de la mariée en qualité d'unique tuteur valide. “Le ministère de la Justice doit envoyer une circulaire d'explication aux mairies”, préconise Mme Aït Zaï. Rappelant la modification apportée à ce propos, elle indique que “dans la nouvelle loi, le tuteur a changé de fonction. Il devient comme un second témoin. En revanche, il a donné force au consentement des époux”. La résistance des élus au changement ne date pas d'aujourd'hui. Notre interlocutrice révèle que le recours au mariage par procuration est encore en vigueur dans quelques endroits alors que l'article l'autorisant a été abrogé. “Malheureusement, les femmes ne connaissent pas leurs droits et les changements intervenus dans les textes”, déplore Mme Aït Zaï. En sa qualité de présidente du collectif Egalité-Maghreb 95 et responsable du Centre national de défense des droits de la femme et de l'enfant, elle milite pour une meilleure prise de conscience féminine, afin de combattre les préjugés. Des ateliers d'information et des guides de vulgarisation sont au cœur de ses projets. Cependant, hormis certaines catégories sociales et au-delà des frontières des grandes villes, il est peu probable que le message arrive. Considérée comme la plus grande transformation intervenue dans le code de la famille, l'ordre donné aux maris d'octroyer un logement à leurs ex-épouses, ayant la garde des enfants existe dans la mouture de 1984. “En principe, la femme doit être maintenue dans le logement conjugal jusqu'à la mise à sa disposition d'un logement”, affirme Mme Aït Zaï. Dans les faits, des mères divorcées sont encore jetées à la rue. “Les juges n'ont pas été assez sensibilisés. Pour les problèmes de logement et de pension, la possibilité leur a été donnée de statuer par une ordonnance à pied de requête. Ceci, en attendant que le juge du statut personnel prononce le divorce”, explique l'universitaire. Outre l'incompréhension et les préjugés, la peur est la troisième entrave à l'exécution des amendements. Cette crainte est exprimée, notamment, par les services consulaires pour la réception des demandes d'établissement de la nationalité algérienne au profit des enfants d'Algériennes mariées à des étrangers. La modification-révolutionnaire-apportée au code de la nationalité prévoit cette disposition. Or, d'après Mme Aït Zaï, des agents consulaires refusent de l'appliquer, sous prétexte qu'ils n'ont reçu aucune instruction d'Alger. S. L.