Huit ans après le grand déballage de 2007, le tribunal criminel près la cour de Blida s'apprête à être, pour la seconde fois, le théâtre de deux autres procès Khalifa, aux révélations fracassantes. En effet, selon des sources proches du dossier, Abdelmoumen Khalifa compte «lever le voile» sur de nombreuses zones d'ombre qui entourent toujours ce scandale du siècle. «Moumène a été très serein. Il a été très coopératif avec les autorités judiciaires. Il a fait des révélations importantes, notamment sur la destination d'une partie de l'argent de sa banque, une manne dont auraient profité de nombreux hauts responsables de l'Etat, et qui n'ont pas été inquiétés à ce jour», affirment nos sources. Elles précisent que parmi les révélations, «Moumène s'est beaucoup attardé sur l'énigmatique agence Koléa de Khalifa Bank, impliquant directement l'actuel ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaïz. Il aurait même insisté sur cette question, en faisant savoir, aux magistrats qui l'ont entendu après son extradition de la Grande-Bretagne, qu'il en fait une affaire de principe. Ce qui a suscité la panique chez certains hauts responsables, surtout qu'il s'agit non seulement d'un ministre de souveraineté, mais également d'un homme très proche du Président et de son frère. La décision de programmer le procès de Moumène reste vraiment énigmatique…». La crainte de voir ces deux procès se transformer en audience «de grands déballages publics» est légitime. De tels aveux risquent de donner aux procès une nouvelle tournure et pourraient même, dans le cas où le tribunal veut aller jusqu'au bout de ces scandales, exiger une enquête complémentaires sur des faits délictuels ou criminels, liés à la corruption, au blanchiment d'argent et surtout la destruction de documents officiels dans le but d'induire en erreur la justice. Rappelons-nous cette intrusion fracassante de Abdelmoumen, à travers l'interview qu'il a accordée au journal français, Le Figaro, le 6 février 2007, au moment où le procès se déroulait à Blida. Lorsque le journaliste lui a demandé si le dossier a été escamoté pour protéger des personnalités, Abdelmoumen avait répondu : «C'est une certitude. La chambre d'accusation a, par exemple, escamoté le dossier de l'agence de Koléa de ma banque pour une raison simple : l'actuel ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, y détenait un compte avec un crédit bancaire. Il a été effacé, car cela aurait fait mauvais genre. Je pense que le ministre de la Justice a eu peur que son nom apparaisse.» La déclaration fait tache d'huile, d'autant que dans les couloirs du tribunal criminel de Blida, de nombreux avocats évoquaient les révélations faites par un des accusés, très proches de Abdelmoumen Khalifa, selon lesquelles le même ministre aurait bénéficié d'une importante somme d'argent. Moumène khalifa veut impliquer des personnalités de L'état Lors des plaidoiries de la défense, bon nombre d'avocats, notamment celui du caissier principal, Akli Youcef, (accusé principal dans l'affaire), se sont interrogés pourquoi le directeur, son adjoint et le caissier de l'agence de Koléa ont bénéficié du non-lieu au niveau de la chambre d'accusation, alors que l'expert avait enregistré un préjudice de 14 millions de dinars, montant pris par Faouzi Baïchi (un agent de la banque) alors que pour un montant de 10 000 DA, les mêmes responsables de l'agence de Chéraga détenus ont été poursuivis et condamnés. Un des avocats a même exhibé un document sans en-tête qui s'apparente à une décharge signée le 20 août 2000 par Baïchi Faouzi, dans lequel il indique avoir pris la somme pour la verser à la caisse principale, lançant au juge : «Il n'y a pas d'en-tête parce que tout simplement Baïchi est venu, le soir, pour vider la caisse et il n'y a aucune preuve sur une quelconque instruction ou ordre de Abdelmoumen. Il n'a pas présenté de bout de papier, ou même une carte de visite, pour prendre cet argent. Qu'est-ce qu'il y a derrière cette énigme de Koléa ? Comment peut-il prendre 14 millions de dinars et être entendu en tant que témoin ? Pourquoi Akli n'a pas bénéficié d'un tel privilège ? Il faut réparer les injustices de ce dossier. Celui qui prend est en liberté et celui qui ne prend pas est mis en détention ?» Des phrases qui avaient lourdement résonné. Moumène Khalifa, qui avait ouvert la brèche à l'époque, n'avait finalement pas tout dit dans ses déclarations publiques. Probablement, pour ne pas griller toutes ses cartes et laisser une marge de manœuvre pour sa stratégie de défense. Lors du procès du 4 mai prochain, il compte, selon toujours nos interlocuteurs, expliquer comment de nombreux ministres, comme Abdelmadjid Tebboune, alors ministre de l'Habitat, Mourad Medelci, en tant que ministre des Finances, le patron de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, (qui avait assumé avoir signé un faux procès-verbal du conseil d'administration de la CNAS) et le chef du MSP, Bouguerra Soltani, en tant que ministre de la Solidarité, se sont retrouvés mêlés à cette affaire, sans pour autant être inquiétés, mais dont les déclarations devant le tribunal, en tant que témoins, ont accentué les zones d'ombre. Le liquidateur de la banque, Badsi, avait clairement déclaré à l'époque, qu'il y avait dans cette affaire deux cercles de responsabilité. Celui constitué de personnes visibles, et celui où les responsables sont invisibles, en raison de leur statut ou de leur rang au niveau de l'Etat. C'est justement, ces personnes, dont certaines occupent actuellement de hautes fonctions de l'Etat, et sont au premier rang du gouvernement, dont il sera question, nous dit-on, lors des deux prochains procès.