C'est là un constat unanimement partagé par la majorité des partenaires de la Libye, l'initiative de dialogue initiée par les Nations unies et destinée à trouver une issue politique au chaos indescriptible dans lequel l'ex-Jamahiriya a sombré depuis 2011 va dans le bon sens. Les progrès réalisés par ce dialogue sont perceptibles lors des rencontres qui ont regroupé régulièrement ces sept derniers mois les différents belligérants. Les principaux «camps» rivaux acceptent maintenant de se parler et parfois même... de se réunir sans la présence de la médiation onusienne. Mieux, tout le monde se rejoint sur presque l'essentiel, à savoir qu'il est urgent de trouver une issue pacifique à la crise, de mettre en place un gouvernement d'union nationale et de combattre le terrorisme. Pour le chef de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Unismil), Bernardino Léon, cette multitude de petites avancées constitue «un grand succès». Il recommande donc de poursuivre les efforts pour amener les Libyens à joindre l'acte à la parole. Et pour l'ancien représentant spécial de l'UE pour la Méditerranée du Sud, le plus vite sera le mieux eu égard au danger que représente, pour la stabilité de la région, la kyrielle de groupes terroristes implantés en Libye. Très optimiste, il s'est même dit, lundi, penser «être près d'une solution politique pour la Libye». Le ministre algérien délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, dont le pays abrite l'un des 3 segments du dialogue interlibyen (celui regroupant les représentants des partis politiques et de la société civile libyens), partage les grandes lignes du bilan d'étape des pourparlers fait, hier à Alger, par le chef de l'Unismil. Il reconnaît aussi l'importance du rôle joué jusque-là par l'ONU pour réconcilier les Libyens entre eux. Fin connaisseur des subtilités du dossier libyen et des rapports de forces actuellement en présence sur le terrain, Abdelkader Messahel est néanmoins apparu moins euphorique que Bernardino Léon lors de la conférence de presse qui a marqué la clôture des travaux du second round du dialogue interlibyen incluant justement les «politiques». Incontournables milices Si, comme Bernardino Léon il s'est montré persuadé que les chances de succès du dialogue chapeauté par l'ONU existent bel et bien et que la dynamique enclenchée est «positive», surtout que de nombreux acteurs libyens ont pris réellement conscience que leur planche de salut réside dans leur capacité à trouver un compromis politique, le diplomate algérien a estimé néanmoins que «le chemin est encore long» avant de voir le bout du tunnel. Pour lui, l'un des principaux défis sera de faire converger tous les processus politiques engagés (dialogue des représentants de partis et de la société civile, dialogue des notables de tribus et dialogue des parlements rivaux) une fois que des accords seront trouvés. Ce qui, en soi, ne sera pas une mince affaire. Et encore, estiment les observateurs, rien n'indique que les milices armées (à distinguer des groupes terroristes) — dont les chefs sont en réalité les véritables décideurs dans de nombreuses régions de Libye — se conformeront à l'accord auquel déboucheront, un jour, les dialoguistes. Abdelkader Messahel redoute aussi que d'éventuels «parasitages» de l'initiative onusienne viennent remettre en cause les progrès réalisés. Et des parasitages et des embûches, il y a encore beaucoup. Pour justement mettre toutes les chances de réussite de son côté, la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Unismil) a fini, enfin, par comprendre qu'aucun processus politique ne saurait être viable sans une implication de certains grands seigneurs de la guerre dans le dialogue interlibyen. Il s'agit là, d'ailleurs, d'un fait admis par la plupart des représentants de partis présents hier à Alger. C'est le cas, par exemple, de Al Rafadi Abdellah du Front national (Al Djabha Al Watania), et du militant associatif Mohamed Bekaï qui qualifient même la présence au dialogue des «groupes armés» (ils rejettent le vocable de milices) d'«indispensable». «Sans eux, tout risque de s'écrouler comme un vulgaire château cartes», assure à ce propos Mohamed Bekaï. C'est sur la base de ce constat que Bernardino Léon a, semble-t-il, décidé récemment de prendre langue avec Fajr Libya, le groupe qui contrôle actuellement le gros du territoire libyen. Des discussions avec d'autres milices, annonce-t-on, devraient être également menées dans les prochains jours. En somme, la Mission d'appui des Nations unies en Libye a encore beaucoup de pain sur planche. Au-delà, beaucoup d'observateurs s'accordent à dire aussi que la communauté internationale ne pourra véritablement parler d'avancée en Libye que lorsqu'elle réussira à obtenir le cessez-le-feu qu'elle se démène à instaurer depuis six mois.