Simple hasard ? Tous les ministres cités en tant que témoins dans l'affaire Khalifa de 2007, rejugée au tribunal de Blida depuis lundi, étaient absents au procès. Le seul à avoir fait le déplacement, le ministre des Finances Mohamed Djellab, ex-administrateur de Khalifa Bank, était lui bien présent au tribunal mais pas à l'audience. Une énigme qui a soulevé interrogations et commentaires dans les milieux proches du dossier. Après la tournure prise par le procès de l'affaire autoroute Est-Ouest où les gros poissons ont échappé aux mailles de la justice, à l'instar du ministre des Transports Amar Ghoul, dont le nom est revenu pourtant avec insistance dans les plaidoiries des avocats et des accusés, personne ne se faisait d'illusion pour voir défiler à la barre les ministres et autres personnalités proches du pouvoir cités en tant que témoins. A la différence de la confession du juge du dossier de l'autoroute Est-Ouest, qui a reconnu publiquement à l'audience qu'il n'avait pas le pouvoir en tant que «petit juge» pour convoquer un ministre, le magistrat en charge de l'affaire Khalifa s'est pour sa part engagé pour que tous les témoins, y compris les ministres, comparaissent devant le tribunal. «Cela se fera le moment venu», a-t-il assuré. Le respect de la justice et du tribunal aurait voulu que toutes les personnes citées dans l'arrêt de renvoi soient présentes à l'ouverture du procès. A charge par la suite au magistrat de programmer les auditions en fonction de l'évolution du procès. C'est aux justiciables de se mettre à la disposition de la justice et non le contraire ! La présence à l'ouverture du procès Khalifa des ministres concernés aurait été perçue, par l'opinion publique et la classe politique, comme un geste fort du pouvoir pouvant laisser penser que l'on s'achemine vers un procès juste. Les ministres concernés ont choisi la politique de la chaise vide. Le procès a ainsi démarré avec une légitime suspicion. Le juge jure que ce n'est qu'une question de programmation. Accordons-lui le bénéfice du doute et attendons donc pour voir, le moment venu, ce qu'il en sortira de ces auditions très attendues par l'opinion ! Mais a-t-on jamais vu dans les annales de la justice algérienne un témoin issu du sérail basculer et devenir accusé ? Des aveux gravissimes avaient bien été faits lors du premier procès Khalifa par des ministres qui ont reconnu devant le tribunal avoir manqué de vigilance, comme l'avait soutenu l'ancien ministre du Commerce, Mourad Medelci. Il n'y eut aucune suite à ces déclarations qui ne manquaient pourtant pas de pertinence pour amener le juge à pousser plus loin les investigations en vue d'établir s'il y avait ou non des responsabilités pénales et des poursuites à engager contre ces justiciables du second collège. Le «privilège de juridiction» qui permet aux ministres mis en cause d'être jugés au niveau de la Cour suprême est perçue par l'opinion comme une manœuvre politique du pouvoir pour protéger les siens. Même pour la forme, cette juridiction n'a jamais été actionnée. Si Moumen Khalifa franchit le pas en faisant des révélations et en balançant des noms de hautes personnalités, le juge le suivra-t-il pour les convoquer ? S'en tiendra-t-il rigoureusement aux personnes citées dans l'arrêt de renvoi ? Le nouveau procès Khalifa ne vaudra que par les nouveaux éclairages qu'il apportera pour lever les nombreuses zones d'ombre laissées par le procès Khalifa 1.