Dans les villes de Medhilla, Metlaoui, Oum Larayes et Redeyef, plusieurs centaines de sans-emploi empêchent désormais les unités de production de tourner normalement. «Cela ne devrait pas continuer comme cela», insiste l'UGTT. Depuis lundi dernier, le siège social de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) a fermé ses portes, après l'extension de l'arrêt de production à toutes les mines et usines d'acide phosphorique. La Tunisie est pourtant le 5e producteur mondial de phosphate. Le secteur assurait 12% des exportations. Les habitants des villes minières du Sud-Ouest (Metlaoui, Oum Larayes, Medhilla et Redeyef) n'ont jamais arrêté, depuis janvier 2011, leurs requêtes pour le travail et contre la marginalisation. Le taux de chômage dans la région dépasse les 35%. Mais, la CPG ne peut, à elle seule, absorber les dizaines de milliers de chômeurs de la région, d'autant plus qu'elle vit dans un environnement international concurrentiel nécessitant de baisser le prix de revient. Les directions respectives de la société, de concert avec les gouvernements en place depuis 2011, ont essayé des palliatifs temporaires, en procédant à des recrutements dans des sociétés d'environnement ou de transport, qui sont des secteurs annexes à la production de phosphate. «L'UGTT soutient la reprise du travail. Mais la situation ne saurait continuer dans ce chaos», souligne Hichem Brahmi, secrétaire général adjoint du syndicat des cadres dans une déclaration à l'envoyé de l'agence TAP à Gafsa. «La suspension du travail au siège social va se poursuivre jusqu'à la reprise des activités dans les unités de production», ajoute-t-il. Dans les villes de Medhilla, Metlaoui, Oum Larayes et Redeyef, plusieurs centaines de sans-emploi empêchent désormais les unités de production de tourner normalement. «Cela ne devrait pas continuer comme cela», insiste le syndicaliste. «Nous avons l'intention d'alerter les autorités sur le niveau de dégradation, jamais atteint auparavant, de la situation à la CPG et leur proposer des solutions de sortie de la crise», ajoute Brahmi. «Ce n'est pas normal que des sans-emploi empêchent la production de tourner», pense Sami Tahri, le secrétaire général adjoint de l'UGTT. «S'il est vrai que l'Etat doit assumer ses responsabilités en matière de création d'emplois et de lutte contre la pauvreté et la marginalisation, cela ne veut nullement dire que les chômeurs peuvent se permettre d'empêcher les actifs de travailler, comme c'est le cas dans le bassin minier de Gafsa. Cela ne ferait qu'encourager le chaos», ajoute-t-il. Pour ce syndicaliste, le blocage ne saurait se poursuivre indéfiniment, au nom de l'équité sociale. «Il y a aussi le droit au travail et, surtout, l'intérêt du pays. Les milliards de dinars de richesses perdues auraient pu servir à la création de milliers d'emplois», pense-t-il. En guise de solution, il propose de «réunir le plus large consensus possible autour d'une solution concertée et veiller à l'appliquer. Même si une minorité s'y oppose. Il y va de l'intérêt de la Tunisie», ajoute-t-il pour exprimer sa réprobation de ce qui se passe actuellement à la CPG. Marchés perdus Cette crise a fait perdre à la Tunisie son cinquième rang de producteur de phosphates à l'échelle mondiale, avec huit millions de tonnes. La production en 2014 a atteint à peine les cinq millions de tonnes. Le Trésor public a perdu annuellement près d'un milliard de dinars (450 millions d'euros) depuis 2011. La Tunisie a perdu plusieurs marchés à l'échelle internationale au profit du Maroc et de la Jordanie. Les pertes sont d'autant plus importantes que les cours du phosphate et des engrais chimiques dérivés enregistrent des hausses substantielles. Certains analystes n'hésitent pas à pointer du doigt les Marocains, les accusant d'être les instigateurs de la poursuite de la crise et de la hausse du prix de revient du produit tunisien. «Il y a une société, financée par des fonds occultes en France, qui assure le transport du phosphate des mines vers l'usine d'acide phosphorique de Gabès avec des camions, nécessitant un coût cinq fois plus cher que la SNCFT (20 dollars au lieu de 4). Et chaque fois où l'activité ferroviaire reprend, ces transporteurs paient des jeunes pour tenir un sit-in», explique Ali, un ingénieur agronome de la région, qui accuse les Marocains de financer ces casseurs. Toutefois, les gouvernements successifs n'ont pas pu convaincre les protestataires de l'absurdité de leurs requêtes pour l'emploi dans une société qui a une capacité limitée. «Tous les chômeurs ne peuvent être recrutés à la CPG», ironise l'ingénieur agronome. Le président Béji Caïd Essebsi a évoqué ce grave problème lors d'une interview le 8 mai sur Al Hiwar Ettounsi TV. Il a insisté sur le fait que «l'emploi est un droit, le travail est un devoir». BCE a promis un début de solution dans 10 jours.