Le premier planning de l'audition des témoins ne comporte aucun nom d'ancien ministre. Le président du tribunal criminel de Blida a décidé d'entendre, jeudi prochain, le caissier de la caisse principale d'El Khalifa Bank et des directeurs d'agence ayant purgé leur peine. Samedi prochain, il entendra l'administrateur Mohamed Djellab, les inspecteurs d'El Khalifa Bank, le frère de Abdelmoumen et son ancienne secrétaire. Dimanche, ce sera le tour du gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, de son ancien vice-gouverneur Mohamed Touati, des membres de la commission bancaire et de l'expert Foufa qui a expertisé les comptes d'El Khalifa Bank. Le président du tribunal criminel de Blida a révélé, hier, la première liste des témoins devant être entendus, durant le week-end et le début de la semaine prochaine. Ainsi jeudi prochain, le tribunal entendra Akli Youcef (caissier de la caisse principale) et 8 autres cadres de cette banque, dont les directeurs d'agence qui ont purgé leur peine. Samedi, le magistrat auditionnera 13 autres témoins dont Mohamed Djellab (administrateur d'El Khalifa Bank), les inspecteurs de la même banque, le représentant du Trésor public de la wilaya de Tipasa, le frère de Abdelmoumen Khalifa et sa secrétaire. En début de semaine prochaine, le tribunal entendra 6 témoins, à commencer par Mohamed Laksaci (gouverneur de la Banque d'Algérie), son ex-vice-gouverneur Ali Touati, l'ancien chef de l'inspection générale Amghar, les membres de la commission bancaire ainsi que l'expert Foufa, qui avait expertisé les comptes des agences d'El Khalifa Bank. Le président du tribunal a indiqué qu'il s'agit là du premier planning des auditions, précisant que d'autres témoins seront convoqués au fur et à mesure. Le premier accusé entendu hier a été Salah Arifi, ex-directeur directeur général de la Caisse nationale des retraites (CNR). Il a expliqué que les dépôts à El Khalifa Bank ont été décidés lors de la réunion du 16 septembre 2001 du conseil d'administration. La résolution qui en a découlé a fait état du placement de l'excédent de trésorerie de la CNR à El Khalifa Bank. Il ne se rappelle pas qui a signé la convention de placement d'un montant de 11 milliards de dinars, mais explique que ce dernier s'est fait par étapes, «avec un premier dépôt de 2 milliards de dinars. Nous avons pu récupérer 750 millions de dinars». Le juge lui rappelle qu'il avait déclaré, lors de l'instruction, que les dépôts ont atteint 11 milliards de dinars. L'accusé persiste à affirmer que durant son mandat, il n'y a eu que 2 milliards de dinars. Acculé, Salah Arifi finit par révéler que c'est lui qui a signé la convention mais, précise-t-il, pour exécuter la résolution du conseil d'administration. «C'est le secrétariat du bureau du conseil d'administration qui a informé le ministère du Travail et de la Sécurité sociale», ajoute-t-il. Le président du tribunal déclare que des témoins affirment le contraire, et l'interroge sur le montant de 11 milliards de dinars déposé. Sa carte de voyage gratuite, Arifi indique l'avoir reçue de la main de Toufik Jedidi, directeur de la CNR Oum Bouaghi, qu'il a utilisée, dit-il, une seule fois sur les lignes intérieures. A propos de son fils qui a bénéficié d'une formation de pilote alors qu'il n'avait que le niveau de troisième année secondaire, il explique que son dossier a été accepté sans qu'il intervienne. Selon lui, son fils a réussi le concours sans aucun problème. Il reconnaît que c'est après le placement de l'argent de la CNR à El Khalifa Bank que son fils a été retenu, mais il n'y voit «aucun lien». Pour preuve, il a terminé ses études et, aujourd'hui, il est à Air Algérie. Maître Feddag, avocat de la CNR, présente comme partie civile, lui demande pourquoi, devant le juge d'instruction, il a déclaré que le président du conseil d'administration n'a pas le droit de déposer les fonds de la CNR. L'accusé répond : «Le conseil a le droit de déléguer ses pouvoirs au bureau du conseil d'administration.» Une réponse qui pousse le juge à prendre le règlement intérieur de la CNR : «Ce n'est pas ce que dit ce texte», lui lance-t-il. Mais l'accusé cite l'article 23, qui évoque les commissions et non pas le bureau ; il tient à sa lecture de ce texte. Le procureur général intervient et lui demande d'expliquer comment l'agence d'Oum El Bouaghi a déposé ses fonds en juin et la direction générale en septembre. Arifi explique que «la Caisse a la qualité de personne morale et l'autonomie de gestion financière, mais cela n'est pas le cas pour ses structures au niveau des wilayas, lesquelles n'ont pas la qualité pour déposer leur argent». Il dit n'avoir pas été mis au courant de la décision de l'agence d'Oum El Bouaghi. La signature de la convention, ajoute-t-il, a eu lieu dans son bureau, en présence de deux personnes qu'il ne connaît pas et non pas avec Abdelmoumen Khalifa. Le procureur général : «Vous aviez déclaré avoir signé avec Abdelmoumen Khalifa au siège de la banque.» L'accusé ne revient pas sur ses propos et jure que ce qu'il avance est la vérité. Le procureur général lui rappelle les propos d'un membre du conseil d'administration, décédé récemment, selon lesquels le point relatif aux placements n'était pas prévu et a été ajouté. L'accusé est formel : «Je jure devant Dieu que ce point était prévu. S'il a été ajouté, c'est en raison des luttes entre les membres du conseil. Le ministre, Mohamed Larbi Abdelmoumène, a été informé de la décision de placement.» Il termine en disant qu'il est possible que des gens qui lui en veulent aient pu détruire les traces de ces correspondances. Rabah Bousebaine, PDG de l'EPLF Blida, affirme que l'entreprise avait fait des dépôts au CPA et à la CNEP, avant d'aller vers l'agence d'El Khalifa Bank de Blida, où ils ont ouvert un compte d'exploitation de 5 millions de dinars et effectué deux dépôts à terme d'un montant de 70 millions de dinars à un taux d'intérêt de 10%. Il explique que les dépôts à El Khalifa Bank servaient pour l'achat de terrains, raison pour laquelle, dit-il, «le délai de placement était compris entre 3 et 6 mois». Il affirme que le conseil de direction a décidé de ce placement en raison des taux préférentiels accordés par El Khalifa Bank. De 1998 à 2002, il y a eu à peu près 18 opérations totalisant 150 millions de dinars, souligne l'accusé, qui ajoute avoir tout fait pour récupérer l'argent : «Nous avons tout fait pour reprendre notre placement, mais nous avons perdu 118 millions de dinars.» Il reconnaît que 21 cadres de l'EPLF, dont lui, ont bénéficié d'un crédit sans intérêt auprès d'El Khalifa Bank, sans aucune convention ; il précise que son crédit à lui était à 3% réduit à 2% pour un délai de trois ans. Selon lui, il n'y a aucun lien entre les placements et ces crédits. Le président : «Puisque vous avez corrigé les avantages, pourquoi ne pas avoir exigé une convention de Belaïd Kechad, directeur d'El Khalifa Blida ?» L'accusé : «Je ne l'ai su qu'après la remise du chèque, libellé à la CNEP de Boufarik, Et c'est le directeur financier qui s'est chargé de cette opération. Ils ont arrêté un taux de 3% parce que c'était un crédit construction de 800 000 DA. Pour les autres cadres, il s'agissait d'un achat de logement, c'est pour cela qu'ils ont bénéficié de 0% d'intérêt. Ce qui n'était pas le cas pour les autres, dont le directeur financier, qui ont bénéficié de 500 000 DA jusqu'à 2 millions de dinars.» Le juge : «La convention vous a été envoyée déjà signée. Pourquoi avoir procédé à des corrections ?» L'accusé : «Il me l'a donnée et il est parti. J'ai dû apporter les correctifs avant de la signer. J'ai restitué cinq copies et j'en ai gardé une.» Les 80 millions de dinars perdus de la Mutuelle des postes Mohamed Tchoulak, président de la Mutuelle des postes et télécommunications et secrétaire général de la Fédération des postes et télécommunications, explique comment est née l'idée de placer des fonds de la mutuelle à El Khalifa Bank : «Les fonds étaient au CPA qui offrait des taux de 15,5% à 22%. Puis ils ont été placés à la CNEP. Ils doivent être placés pour générer d'autres ressources nécessaires à la mutuelle. L'idée d'aller vers El Khalifa Bank est venue du commissaire aux comptes, qui était celui de la DGSN aussi, qui a dit à mon prédécesseur ‘ ‘pourquoi ne pas aller chez El Khalifa Bank comme la DGSN ?'' Le défunt Barbar était directeur de la Mutuelle de caisse et le directeur général était le défunt Aider. M. Barbar est allé négocier avec El Khalifa Bank et nous a ramené 11%. A l'époque, nous n'étions plus au CPA mais à la CNEP où nous avions placé 100 millions de centimes. Nous étions dans le besoin parce que les taux d'intérêt de la CNEP étaient trop bas. Ce fonds appartient aux 17 000 adhérents, qui ont droit à des prises en charge sociales et sanitaires. Les placements se ont été effectués début 2002, pour un montant de 80 millions de dinars sur une période de 10 ans, avec des intérêts perçus chaque fin d'année. Le défunt Barbar avait bien expliqué à El Khalifa Bank que cet argent appartenait aux mutualistes et, de ce fait, en cas de nécessité il devait être retiré. Lorsqu'il y a eu le séisme de Boumerdès, je sais que Barbar a tenté de le retirer, mais je ne sais pas pourquoi il n'a pas pu.» «Vous n'aviez pas reçu des billets…» L'accusé : «Siiiiii.» Eclats de rire dans la salle. Tchoulak déclare que ces billets ont été accordés comme mesures d'accompagnement au profit de quatre cadres de la mutuelle, comme cela se fait depuis longtemps en citant des cas où celle-ci recevait des dons. «N'avez-vous pas compris que ces billets étaient liés à vos placements ?» lui demande le juge. L'accusé : «M. Barbar les a ramenés et c'est le conseil d'administration qui a décidé de les donner à quatre cadres, dont moi. Ce n'est pas une contrepartie. Nous avions bien reçu un véhicule au nom de la mutuelle.» Le juge : «Comment expliquer que ces billets soient donnés aux quatre cadres qui ont le pouvoir de décision ?» L'accusé persiste à dire que c'est le conseil d'administration qui en a décidé. Le procureur général lui demande s'il avait le droit, en tant qu'association à but non lucratif, d'hypothéquer l'argent des mutualistes pendant dix ans. L'accusé : «Les revenus des prestations et les revenus des fonds placés nous permettent de participer à renforcer nos ressources qui proviennent des cotisations. Même à la CNEP, cet argent était placé pour une durée de 10 ans. El Khalifa Bank nous a accordé un taux d'intérêt de 12% sur dix ans. Soit un revenu annuel de 120 millions de dinars.» Le procureur général réplique : «Ce placement n'a pas été la décision du conseil d'administration, mais plutôt celle de ceux qui ont bénéficié de billets de voyage. Un des membres du conseil était absent.» L'accusé : «Jamais, le seul qui était absent est un membre décédé.» Le procureur général veut savoir dans quel cadre la voiture offerte par Khalifa à la mutuelle a été affectée à l'accusé, mais ce dernier ne donne pas de réponse. Le président appelle Zineddine Zaamoum, président de la commission de contrôle de la Mutuelle des postes et télécommunications. Sa mission consistait à contrôler les CMS (centres de médecine) et la caisse principale du siège. Il nie tout lien avec la négociation autour des placements, mais affirme avoir bénéficié d'un ticket de voyage gratuit remis par le défunt Barbar, qu'il a utilisé une seule fois sur les lignes internationales. Yahia Yesli, membre du conseil d'administration de la Mutuelle des postes, confirme les propos de son président Mohamed Tchoulak, tout comme il confirme avoir bénéficié d'un billet pour plusieurs voyages gratuits sans pour autant, dit-il, l'utiliser parce qu'il a une «préférence» pour les voitures. Bouamar, directeur des finances et de la comptabilité, de l'Entreprise nationale de navigation aérienne (ENNA), affirme avoir «une dérogation de signature pour les chèques mais pas pour la convention de placement qui, elle, a été signée par le directeur général avec Omar Mir, le directeur de l'agence de Chéraga d'El Khalifa Bank, qui avait proposé 12% d'intérêt alors que le CPA et la BNA, où était déposé l'argent, n'offraient que 7%. Le montant placé en mars 2002 était de 50 millions de dinars, alors que dans les deux autres banques nous avions 300 millions de dinars». Pour la récupération, il dit ne pas être au courant puisqu'il avait quitté l'entreprise en novembre 2012, avant l'expiration du délai de placement. Sur les billets d'avion qu'il aurait eus, il dit n'avoir utilisé qu'un seul, pour Béjaïa. Mais le juge lui précise qu'il avait déclaré lors de l'instruction être allé en Afrique du Sud. L'accusé dément et explique que ces billets entraient dans le cadre d'une convention signée en avril 2001 entre Khalifa Airways et l'ENNA pour la réduction des prix au profit du personnel, une réduction pouvant aller jusqu'à 90%. «Je n'ai pas signé la convention de placement parce que je ne suis pas ordonateur», répète-t-il.