A quelques jours de l'examen fatidique du baccalauréat, les candidats se débrouillent chacun selon ses moyens pour s'assurer la meilleure préparation possible aux épreuves. Dans la bibliothèque du quartier Les Bananiers, il est difficile de trouver une place de libre. Des groupes de lycéens se forment autour des tables. Cette structure accompagne les élèves de terminale dans leur travail de préparation des épreuves du baccalauréat. Des cartes d'accès leur ont été proposées dès le début de l'année, mais le rush est enregistré depuis quelques semaines. Des salles de travail sont à la disposition des candidats au bac jusqu'à 19h. Deux lycéens discutent sur la résolution d'un exercice de maths. Leur échange est le seul bruit audible perturbant durant quelques instants le silence dans la salle. Les deux antagonistes font appel à un autre groupe. C'est devenu le problème de tous les élèves présents. Le calme ne reviendra apparemment que si la solution est trouvée. Des dessins et autres «œuvres d'art» réalisés par des enfants des écoles limitrophes ornent le hall principal de cette structure égayée par les couleurs des printemps exprimés par les petites mains des écoliers. Des appels à la préservation de la nature et des dessins en l'honneur des mamans et des chouhada sont les preuves des différents concours organisés au niveau de la commune de Mohammadia. Selon Mme Ferhat, directrice de cette bibliothèque, «la structure affiche complet depuis quelques mois. Avec une capacité de plus de 450 places, cette structure est dédiées aux révisons pour le bac et le BEM. C'est un espace de travail individuel ou en groupe». C'est donc une alternative aux cours particuliers qui s'offre à un grand nombre de candidats à cet examen crucial. «Les cours particuliers coûtent cher, franchement, je me vois plus efficace en travaillant avec mes copains qu'avec un prof qui me fait la réédition de ce que j'ai fait en classe», explique Mohamed Amine, élève au lycée Rabah Bitat, de la même commune, rencontré à l'entrée de cette bibliothèque. «Le travail en groupe me permet de réviser sans stress. Et mis à part la consommation de boissons et quelques sucreries à l'extérieur, cela ne coûte pas grand-chose à mes parents», ajoute-t-il. «Faut-il se ruiner pour préparer son bac ? J'estime que non», intervient un autre élève du même lycée, qui estime que le travail en groupe entamé au début de l'année scolaire paiera certainement. «Quant à l'argent que j'aurais dû dépenser en cours, j'espère le dépenser en bonnes vacances bien méritées après le bac», confie-t-il, serein. C'est un avis partagé par des enseignants, qui n'hésitent pas un instant à encourager cette méthode de révisions. Enseignants et bénévoles S. Hafida, professeur d'histoire-géographie au lycée Rouchaï Boualem, à Belouizdad, n'hésite pas à venir en aide aux élèves travaillant en groupe dans les salles mises à leur disposition par l'administration du lycée. Plusieurs enseignants de ce lycée ont rendez-vous quotidiennement avec les lycéens pour des séances de révision collective : «Nous essayons de donner les meilleurs outils pour que l'élève puisse mieux présenter sa réponse le jour J.» S. Hafida explique : «En histoire-géo par exemple, il ne suffit pas de connaître les informations liées à la question, il faut disposer de la bonne méthode pour présenter la réponse. Il faut donc connaître les clés de rédaction des textes ; les meilleures façons de rédiger une synthèse ou un résumé, selon le sujet. L'élève qui a travaillé sa mémoire durant toute l'année a besoin d'outils pour mettre toute les chances de son côté pour que sa réponse soit bien comprise et bien mise en exergue.» Les enseignants offrent ainsi leur coaching sans contrepartie financière. «Nous sommes d'abord des parents qui aimeraient bien que leurs enfants soient bien pris en charge. La réussite de ces élèves est aussi la nôtre. Nous avons participé à leur évolution, nous aimerions les voir réussir, aller loin dans leurs études et envisager des carrières prometteuses.» Comme S. Hafida, qui a transformé son logement en salle d'études gratos, nombreux sont les enseignants qui se consacrent à la préparation des épreuves du bac dans le cadre d'un bénévolat. S. Hafida estime que «tous les enseignants ne courent pas après l'argent. Certes, c'est un peu difficile, mais les objectifs diffèrent d'un individu à un autre, et le mien est de voir ces ‘enfants' réussir au bac». Ces enseignants consacrent beaucoup de leur temps libre au service de leurs élèves. «Il s'agit généralement d'élèves qui ont pris du retard dans leurs cours ou tout simplement qui n'ont pas les moyens financiers pour se payer des cours particuliers», explique encore S. Hafida, qui offre ce type d'aide depuis 20 ans. Le coup de pouce Deux mille dinars est le montant moyen déboursé mensuellement par des milliers de ménages afin d'assurer «une préparation adéquate» pour affronter les épreuves du bac. Certains parents ne disposant pas de ressources nécessaires offrent des cours particuliers à leurs enfants dans les matières essentielles seulement. Un groupe d'une dizaine de lycéens en filières maths et sciences techniques du lycée Rabah Bitat suivent des cours de soutien en groupe «réduit», à raison de 4000 DA/mois chacun pour les deux matières essentielles (maths et physique). Les cours se déroulent dans une école privée au niveau du chef-lieu de la commune. «Nous voulons mettre toutes les chances du côté de notre fille pour qu'elle obtienne son bac avec une bonne moyenne. Comme nous ne pouvons pas l'aider personnellement dans ses révisions quotidiennes, nous avons opté pour l'inscrire dans cette école qu'elle a rejoint au début de l'année scolaire. Elle et ses amies viennent deux fois par semaine pour être épaulées dans leur travail de préparation. Certes c'est un peu cher, mais c'est une nécessité», explique une mère de famille qui attend la sortie de sa fille en bas d'un immeuble où est installée une école spécialisée dans ce genre de cours. Les plus nantis s'offrent les services de professeurs particuliers qui accompagnent ces candidats, moyennant une contrepartie financière. Les montants peuvent atteindre des sommets. Certains dépensent jusqu'à 20 000 DA par mois pour assurer une «bonne préparation». Candidat de type 007 Les réseaux sociaux offrent aussi un cadre d'échanges aux élèves candidats, où des exercices sont largement disponibles. Mais pas uniquement. Plusieurs groupes créés par des élèves sont devenus l'espace de détente où ces élèves expriment leurs craintes et essayent d'évacuer leur stress. Certains n'hésitent pas à investir ces espaces pour proposer les dernières technologies en matière de communication pour tricher. Un lien, avec des numéros de téléphone, est relayé. Des kits de communication discrets, qu'on croirait tout juste sortis d'un film d'espionnage, sont proposés à la vente. «Je mets en vente kit micro oreillette bluetooth invisible T-loop avec une qualité de son excellente. Le collier ne se déconnecte pas au cours de l'utilisation. Le meilleur moyen pour téléphoner de manière complètement invisible», propose un «commerçant» ayant flairé la bonne affaire. Ce dernier, se voulant plus convainquant, vante les mérites de son gadget : «Une micro-oreillette insérée dans votre oreille, reliée par bluetooth avec votre téléphone, et vous pourrez communiquer de manière secrète très simplement», peut-on lire dans l'annonce. «La mini-oreillette sans fil est de la couleur de la peau, la vente se fera avec explication du fonctionnement du système», précise la même annonce !