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Sa force, ce n'est pas le nombre d'hommes, c'est l'influence Ahmed Mohamed Mustapha. Journaliste pour le site mauritanien Al Akhbar, qui a rencontré Belmokhtar en 2012
- La Coalition des révolutionnaires d'Adjabiya a publié une liste sur laquelle figurent les noms de 7 djihadistes tués. Ils précisent ‘‘qu'aucun autre chef n'a été tué” mais ne démentent pas clairement la mort de Mokhtar Belmokhtar. Quelle est votre impression ? Belmokhtar a été la cible d'opérations plus importantes que ce raid aérien en Afghanistan, au nord du Mali et au Niger, et il a survécu. Aujourd'hui, tout confirme qu'il n'a pas été tué dans ce raid. Il n'y a aucune trace de lui dans les hôpitaux autour. Et les Américains, qui affirment qu'il était présent et qu'il était ciblé, sont hésitants. Les cellules de communication affiliées à Al Qaîda n'ont donné aucune information sur sa mort, or ils sont très actifs. Belmokhtar lui-même a une très bonne équipe de communicants qui travaillent pour lui et qu'il écoute avec attention. S'il avait été tué, on l'aurait su par des phalanges de Tunisie, de Libye, de Mauritanie ou même d'Algérie. Il a toujours fait preuve de beaucoup de prudence, que ce soit dans sa protection rapprochée ou dans sa stratégie de communication. D'ailleurs, il ne s'exprime pas beaucoup et il est possible qu'on lui ait conseillé de ne pas communiquer sur le fait qu'il ait survécu. - Al Akhbar a publiqué, il y a quelques semaines, un communiqué signé par Mokhtar Belmokhtar qui conteste l'allégeance faite par Abou Walid Al Sahraoui au groupe de l'Etat islamique. Ce message a été interprété comme une dissidence. Est-ce aussi la lecture que vous en faites ? Belmokhtar est resté fidèle à Al Qaîda depuis qu'il a déclaré son allégeance à Ben Laden. Il a toujours été hostile à la présence de l'Etat islamique au Sahel et au Maghreb, et au ralliement d'Abou Walid Al Sahraoui des Mourabitoune, du Mujao et des Moulathamoune à Abou Bakr Al Baghdadi. Il a écrit un communiqué pour rejeter cette alliance, se démarquer de tous ces groupes et s'opposer à la décision d'Abou Walid Al Sahraoui de s'autoproclamer émir d'Al Mourabitoune sans mener des consultations. - On dit de lui qu'il a des entreprises en Mauritanie. Quels sont ses réseaux dans votre pays ? C'est faux. Les seules entreprises présentes en Mauritanie appartiennent à des étrangers. Si Belmokhtar en avait, cela se saurait. Cependant, il compte des alliés dans toute la région, des hommes puissants le soutiennent en Libye, en Tunisie, en Algérie, au Sahel. Il existe même des comités de soutien dans les prisons dont les membres, une fois libérés, recrutent en son nom. Vous trouverez aussi au Sahel, parmi la population, beaucoup de gens derrière lui. Un peu comme Abou Bakr Al Baghdadi en Irak. - Pensez-vous, surveillé comme il l'est par les Américains, les Français et les Algériens, qu'il puisse encore commettre des opérations spectaculaires comme la prise d'otages de Tiguentourine ? Sa surveillance s'est accentuée depuis le début de l'opération Serval au nord du Mali et depuis que les Américains ont commencé à surveiller la zone avec des drones, à partir de 2013. Mais Belmokhtar peut se déplacer avec la population d'un endroit à un autre, de la Libye au nord du Mali, ce qui brouille les pistes. Les Français et les Américains ont quelques informations qu'ils ne peuvent pas vérifier malgré les moyens sophistiqués dont ils disposent, car le facteur humain joue un rôle essentiel. La preuve encore, c'est qu'il a échappé à toutes les tentatives d'assassinat. - A combien estimez-vous le nombre de combattants derrière Al Mourabitoune ? A plusieurs centaines. En tout cas bien plus que les combattants des trois autres groupes (l'aile dissidente d'Al Mourabitoune, le Mujao, Al Moulathamoune). Mais plus que les effectifs, l'avantage principal du groupe de Belmokhtar tient à ses chefs, issus de grandes tribus locales, qui ont beaucoup d'influence. Une dizaine de chefs sont originaires du camp de réfugiés de Tindouf, au Sahara occidental. - Savez-vous quel type de relation personnelle il entretient avec Ayman Al Zawahiri ? Une relation de respect. Pour comprendre cette relation, il faut regarder comment fonctionnent les djihadistes entre eux. Qu'on l'ait appelé Al Afghani (il a rejoint les camps d'Afghanistan à 17 ans) est une grande marque de considération. Il a réussi à tisser des liens très forts entre les chefs et s'est construit une bonne réputation avant de venir dans le Sahel. Son statut d'émir du Sahara a imposé son nom et son importance aux yeux de ses anciens chefs. - Vous avez rencontré Mokhtar Belmokhtar. De ce qu'il vous a dit, quels sont les éléments qui permettraient de comprendre comment il réfléchit ? Je l'ai vu deux fois, en avril et en novembre 2012, dans les régions de Gao et Tombouctou. Après des échanges par e-mail, la rencontre s'est faite sans intermédiaire. Les médias renvoient de lui l'image d'une personne âgée, alors qu'il a une quarantaine d'années. Sa garde rapprochée était composée à l'époque de 7 combattants surarmés. C'est une personne qui ne croit pas aux frontières. Il ne croit pas en l'Algérie, ni en la Mauritanie commes des Etats, mais au Maghreb islamique. C'est ce qui lui a causé des ennuis avec Ansar Eddine, car ces derniers demandaient l'autodétermination du nord du Mali et donc reconnaissent les frontières des autres Etats.