Les conséquences de la baisse des recettes en devises, suite à la chute des cours du pétrole, risquent d'être désastreuses pour l'Algérie, si une transition politique et économique n'est pas engagée. Ce signal d'alerte a été lancé par des économistes algériens lors d'une conférence-débat animée avant-hier au siège de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme à Alger. «Le crépuscule de la rente et de la prédation s'annonce à l'horizon. Il est inscrit dans une politique budgétaire très fortement expansionniste et laxiste au moment même où le pays enregistre une baisse tendancielle de la production, une augmentation notable de la demande nationale d'énergie, ce qui débouche sur une forte baisse des exportations des hydrocarbures», constate l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, rappelant que le comportement des autorités s'est caractérisé par plus de laxisme puisque le budget de fonctionnement de 2011 était en hausse de 47% par rapport à celui de 2013. Cette augmentation était de 23% en 2012 par rapport à 2011. Pour l'économiste Mourad Ouchichi, les répercussions de la chute des prix du pétrole seront graves d'autant plus que «le régime politique ne veut pas d'une économie productive, car il sait que s'il perd le contrôle du pouvoir économique, il perdra naturellement le pouvoir politique». Sur le plan politique, «nous allons assister à une exacerbation des luttes acharnées des clans pour le contrôle de la rente», croit savoir le conférencier, prédisant aussi une exacerbation du discours extrémiste religieux. Sur le plan économique, l'Algérie assistera à une diminution du budget alloué aux équipements. «Donc, on va étouffer le peu qui reste du système productif national concernant le public. Le privé serait aussi détourné de sa fonction d'investissement vers l'importation», explique Mourad Ouchichi annonçant par ailleurs l'aggravation des inégalités sociales. Cette situation va inévitablement conduire, d'après lui, à un embrasement généralisé à la moindre étincelle, d'où la nécessité d'agir vite. Un avis partagé par Ahmed Benbitour qui redoute, quant à lui, un changement dans la violence, puisque les scénarios d'un régime qui s'autoréforme ainsi que celui d'un dialogue entre l'opposition et le régime sont improbables. Transition et contrat social Dans son intervention, l'ancien chef de gouvernement n'a pas manqué d'égratigner, sans le citer, le règne du président Bouteflika marqué, entre autres, par «la naissance de la grande corruption et la menace d'accaparement de l'Etat au profit des intérêts privés». Face à la crise protéiforme que vit le pays, l'économiste plaide pour la mise en place urgente «des mécanismes de la réussite d'une transition politique et économique», condition nécessaire pour «une mutation tranquille de la société algérienne dans ses différences, loin de toute violence, exclusion ou insécurité». Pour les besoins de la «réussite» de la transition politique et économique, il suggère la réalisation «d'un diagnostic de l'état moral de la nation et l'état de l'économie nationale en vue de définir un contrat social, un modèle de développement humain, les formes d'organisations de fonctionnement des institutions politiques et économiques et administratives». La refonte du contrat social, insiste Ahmed Benbitour, passe par «la mise en place d'un programme d'endiguement de la crise appuyé sur des actions urgentes», dont la définition d'un programme de réforme éducatif et celui d'une politique de décentralisation économique. Partisan d'une transition politique et économique, l'économiste Mourad Ouchichi prévient, en revanche, contre l'entêtement des tenants du régime à perdurer quoi qu'en soit le prix. Ajoutez à cela l'opposition «d'un puissant lobby», dont les richesses sont constituées essentiellement par «la prédation à travers le captage de la rente», ainsi que celle des fournisseurs de l'Algérie «qui sont des lobbies internationaux très puissants qui ont une influence sur le gouvernement».