Une monnaie unique, des politiques budgétaires coordonnées et des critères chiffrés à respecter par tout les Etats membres. Depuis plus de 20 ans, l'Europe a scellé son union monétaire et économique par le traité de Maastricht (1992). Mais depuis la crise financière de 2008 qui a coûté des milliards en sauvetages de banques et en aides aux pays membres en détresse, ce bloc vacille. La crise inextricable de la dette grecque, l'incapacité de l'Europe à y remédier sur fond de risque de contagion à d'autres pays de l'Union et de risque d'effondrement de l'euro en cas de sortie d'un ou de plusieurs des Etats membres, a achevé de jeter le doute sur la viabilité de cette union monétaire et économique et sur l'Union européenne en tant qu'entité. Le Premier ministre britannique a promis d'organiser un référendum en 2017 sur le maintien ou la sortie de son pays de l'UE. La crise financière de 2008 a d'ores et déjà écarté la plupart des Etats des sacro-saints critères de Maastricht (un déficit de 3% du PIB et inférieur à 60% du PIB) faisant des politiques budgétaires coordonnées un simple slogan, même si l'Allemagne tente de faire rentrer tout le monde dans les rangs. Même si le déficit dans la zone euro est en baisse (2,4% du PIB en 2014), les deux tiers des Etats affichent des niveaux supérieurs aux 3% arrêtés dans le traité de Maastricht. Quant à la dette, avec plus de 90% du PIB elle est largement supérieure aux 60% prévus. On affirme même que les critères en question pourraient être réévalués. Sur un autre plan, certains experts estiment que la politique économique européenne a failli dans son objectif de réduire les écarts de niveau de vies entre citoyens des pays riches de l'Europe et les plus modestes. Et, depuis la crise, les inégalités se sont aggravées. Entre 2008 et 2011, l'écart en matière de taux de pauvreté entre l'Allemagne et la Grèce qui était de 4 points de pourcentage en 2008 a été multiplié par deux, selon Eurostat. «La politique économique européenne n'a pas permis de réduire les inégalités de développement entre les pays membres de la zone euro, chose indispensable à un bon fonctionnement d'une union monétaire», affirme Laurent Challard, géographe (Les Echos, 21-10-2014). Il faut dire que les écarts étaient déjà colossaux au départ. La puissance économique allemande contrastait avec une économie grecque qui ne remplissait même pas les critères de Maastricht à son entrée dans la zone euro. Aujourd'hui, cette même Grèce illustre les limites du modèle de la zone euro. La crise grecque est «une faillite du modèle européen sous sa forme actuelle», soutient Michel Santi, économiste. «Les fameux critères de Maastricht sont de la poudre aux yeux. Ce n'est pas en termes de statistiques qu'il faut jauger et définir l'Union européenne, c'est en termes d'union politique qu'il faut le faire, car l'argent a une valeur politique».Un avis partagé. Joschka Fischer, l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères a publié en un ouvrage intitulé L'Europe est-elle en échec ? dans lequel il admet que les critères de Maastrischt n'ont fait que créer «l'illusion d'une convergence économique», estimant que l'Allemagne est devenue «la puissance hégémonique de l'Europe, synonyme de politique d'austérité» (Nicole Koenig, chercheur au Jacques Delors Institut). Une politique de plus en plus rejetée par les populations européennes à travers l'Union dont certaines ont même fini par être stigmatisées, à l'image des grecs traités de tous les noms après que leur pays en soit arrivé au bord de la faillite. Au-delà des impacts économiques et sociaux, la crise a donné lieu à l'avancée de l'euroscepticisme et des appels à quitter le bloc lancés par des partis d'extrême droite, à l'image du Front national en France. Symbole d'une vision commune, l'Union européenne s'interroge aujourd'hui sur la pertinence de son modèle que certains appellent à repenser, à l'image de l'Allemand Joschka Fischer qui prône une intégration politique plus prononcée dans une sorte «d'Etats-Unis d'Europe». Pour l'économiste Michel Santi, il faut que «l'Europe devienne une fédération comme les Etats-Unis. Si cela avait été le cas avec une mutualisation globale, pas seulement des dettes, nous n'en serions pas là aujourd'hui».