The Magic Flute (La flûte enchantée), opéra de Mozart, filmée par Kenneth Branagh, a totalement envoûté la Mostra de Venise. Montré en avant-première mondiale au Lido de Venise, puis en soirée au mythique théâtre La Fénice, le film de Kenneth Branagh, opéra virtuose de plus de deux heures, a ensorcelé le public du festival et ébloui par la qualité du travail artistique du cinéaste et des interprètes. Spécialiste de Shakespeare (au cinéma), Branagh fait pour la première fois un opéra. Le projet initial vient de la Fondation Peter Moores qui cherchait en cette année de 250e anniversaire de Mozart à rendre à l'opéra sa vocation populaire. La flûte enchantée, opéra de Mozart créé dans les faubourgs de Vienne en 1791, chanté en allemand, était à l'origine destiné à un public populaire qui fréquentait les salles de théâtre. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, où l'opéra est devenu un spectacle pour public riche... Avec un film sur l'opéra, on souhaite donc ouvrir les portes de l'opéra à un nouveau public, ou peut-être aussi faire venir les gens de l'opéra au cinéma ! Dans le film de Branagh, le livret est simplifié et écrit en anglais. Mozart a trouvé des interprètes enthousiastes, la plupart anglo-américains, et quelquefois russes. La Reine de la Nuit, la soprano Lyubov Pétrova, exprime ici toute sa colère dans la langue de Shakespeare : « Une colère terrible consume mon cœur Le désespoir et la mort m'enflamment Si Zarastro ne meurt pas de ta main Tu ne seras plus jamais ma fille... » C'est Anny Carson, sa fille Pamina dans l'opéra, superbe jeune interprète anglaise, qu'on voit dans une longue séquence de bal, filmée en noir et blanc : un moment particulièrement réussi. Elle danse avec Tamino, son amant. C'est elle qui sera prisonnière de Zarastro, le sage. Tamino qui doit subir les épreuves de « air, terre, eau et feu », mais qui est, à chaque fois, sauvé par sa flûte magique, est joué par un jeune américain de l'Opéra de Chicago J. Kaiser (ténor). René Pape, une voix de basse internationale, interprète Zarastro, le sage qui apparaît dans son château transformé en hôpital de campagne, rempli d'une humanité blessée, souffrante. En effet, à la place du jardin enchanté où s'affrontent les fées maléfiques et les prêtres d'Isis, Kenneth Branagh a préféré situer son film sur le théâtre des opérations militaires de la Première Guerre mondiale. C'est sans doute aussi pour rendre son film plus contemporain. Les deux protagonistes, l'homme et la femme, la nuit et le jour (la Reine de la Nuit et le sage Zarastro) ont chacun une armée et s'affrontent dans les tranchées de la guerre. Les débats d'idées, dans cette nouvelle version de Mozart, sur la philosphie des Lumières, prennent ici une connotation plus réaliste. On voit nettement dans la mise en scène très mouvementée de K. Branagh (qui toujours fait preuve d'exubérance dans ses films sur Shakespeare) une opposition très nette entre la guerre (haine, destruction, nuit...) et la paix (jour, lumière, amour, sagesse, solidarité). La flûte enchantée est ici l'arme absolue pour renverser les situations les plus tragiques. Le jeune chanteur américain Ben Davis (lui, de Los Angeles), interprète le personnage le plus gai de l'opéra : Papagéno, l'oiseleur étourdi qu'on voit capter les messages des pigeons voyageurs. Effets spéciaux, mise en scène éblouissante. Branagh a servi Mozart admirablement.