Le début de l'été, beaucoup plus propice au farniente qu'à de laborieuses transformations, a été marqué par des changements aussi bien dans les hautes sphères de l'armée, de l'Etat et par un semblant de mouvement dans le corps des walis dans l'indifférence la plus totale des Algériens. Les seules réactions ne viennent même pas de partis ou de personnalités politiques, mais beaucoup plus des commentateurs des médias qui se hasardent à décrypter les non-dits dans le fonctionnements du système autoritaire mis en place depuis des décennies. Ceci est sans doute la preuve que pour la majorité des citoyens, ce jeu de chaises musicales s'apparente beaucoup plus à un jeu de clans sur fond d'intérêts, une guéguerre autour et pour le pouvoir auquel ils ne sont pas conviés. Les Algériens ont compris depuis longtemps qu'ils sont tenus à l'écart des choses et des réalités du pouvoir. Tout est fait pour qu'ils soient tenus dans l'ignorance de ce qui se déroule dans les travées, de ce qui se trame derrière ce théâtre d'ombres chinoises qui leur est proposé. C'est le propre de l'autoritarisme qui tisse la trame de leur quotidien et qui fait que leurs attentes, pour l'immédiat, tiennent plus dans l'espoir de l'amélioration de leurs conditions de vie que dans de profonds changements démocratiques qui marqueraient la fin d'un système opaque, profondément clientéliste et prédateur. Une situation qui ne fait que renforcer le sentiment d'injustice chez la grande majorité, qui se sent frustrée et exclue des retombées de la rente. La raréfaction des ressources depuis la chute des cours pétroliers est loin d'avoir freiné un tant soit peu le gaspillage et la gabegie ; la gouvernance telle que pratiquée aujourd'hui suscite au contraire l'inquiétude, laissant entrevoir des jours difficiles pour la plupart des Algériens. La conférence internationale sur «L'extrémisme violent et la déradicalisation», qui s'est tenue dernièrement à Alger, a montré combien le facteur de la bonne ou de la non-gouvernance pouvait influer sur l'éradication de l'intégrisme, dont le terreau reste d'abord l'injustice sociale. Pas seulement, certes, puisque sans lutte idéologique sur le terrain des idées aussi bien à l'école qu'à la mosquée, basée sur le vivre-ensemble, la tolérance et la coexistence de la diversité, on espérer exclure définitivement la violence du champ politique et sociétal. Malheureusement, du côté du pouvoir et plus particulièrement depuis l'avènement du régime de Bouteflika, le maintien du statu quo coûte que coûte avec les courants conservateurs et les plus rétrogrades au détriment des ruptures avec les pratiques rentières est à la base même de l'immobilisme qui frappe le pays. Ces changements pris dans un tel contexte nous rappellent les propos du prince Salina du roman Le Guépard, affirmant d'un ton péremptoire face aux turbulences de l'Italie de la révolution de Garibaldi et se voulant rassurant à l'égard des privilégiés dont il faisait partie : «Pour que tout reste tel quel, il faut que les choses changent.»