Le lieu commence à s'animer. Des familles affluent de tous les coins de la ville. On est au square du 18 Février, surnommé affectueusement «Zouaghi Parc». Aménagé il y a quelques années, avec un magnifique jet d'eau au centre, entouré par des espaces en gazon artificiel, des allées boisées et des aires de repos en gazon naturel, l'endroit est devenu «le lieu d'atterrissage» de centaines de familles pour une réelle escapade nocturne. Dans ces lieux, des Constantinois ne demandent qu'à se détendre, se rencontrer et blablater à l'air libre. Faute de loisirs, c'est la parade idéale pour fuir la monotonie de la ville. Saïd, employé dans une entreprise privée est devenu un habitué des lieux. Il témoigne : «C'est durant le mois de Ramadhan dernier que des amis m'ont invité à venir y passer une soirée ; depuis, je suis devenu un visiteur assidu.» Djamel et Keltoum, deux enseignants à la retraite, habitant la cité Boussouf, y viennent souvent avec leurs petits-enfants. Ils préfèrent s'attabler pour siroter un thé et s'offrir des boissons et des crêpes au chocolat. «C'est magnifique de se retrouver ici en famille ; le lieu est agréablement animé, l'air est doux, en plus de la sécurité ; nous venons souvent passer d'agréables moments», révèle Djamel. La nuit tombée, tous les espaces sont occupés. Des jeux sont installés. Des enfants gambadent avec joie et des bébés font leurs premiers pas. Tout le monde y trouve son compte. Plusieurs groupes de jeunes attablés sont plongés dans d'interminables parties de dominos, partageant un narguilé. La consommation de ce dernier est très à la mode ces derniers temps. Près du jet d'eau, des familles font des balades ou s'installent sur des bancs en bois profitant de la fraîcheur qui enveloppe la nuit. Le square du 18 Février fait surtout l'affaire de ces nombreux jeunes qui se débrouillent durant l'été pour se faire de l'argent, chacun à sa manière. Des étals et de la musique Issam est celui qui fait le plus d'ambiance à Zouaghi Parc. Son petit chapiteau, éclairé grâce à un petit groupe électrogène, est le plus visité. Il propose des boissons fraîches, de la crème glacée, des fruits secs, mais aussi de la musique, beaucoup de musique, qui fait danser les petits. Dans le même «boulevard», on trouve aussi des vendeurs de crêpes, de barbe à papa, de la mahdjouba, du thé, mais aussi des chips et du popcorn. Installé un peu à l'écart, Ayoub propose chaque jour du maïs grillé. «Je loue chaque jour une camionnette pour aller m'approvisionner au marché de gros du Polygone ; je m'installe dans mon coin en fin de journée pour préparer le feu ; le lieu nous arrange beaucoup et cela nous permet de gagner de l'argent pour aider nos familles», dira-t-il. Il est vrai que ce jeune propose du maïs grillé qui s'arrache comme des petits pains. Souvent, «il boucle» avant 22h. Djamil, étudiant universitaire ne chôme pas. Il veille toute la nuit en louant des petites voitures électriques pour le grand plaisir des bambins. «J'ai investi dans deux petites voitures ; je peux travailler jusqu'à minuit, cela dépend de la clientèle, nous essayons de proposer des prix abordables pour tout le monde, car les familles qui viennent ici sont toutes de la classe moyenne, et cela nous permet aussi d'avoir des revenus pour la prochaine rentrée universitaire», affirme-t-il. Les veillées se poursuivent jusque tard la nuit. Les familles constantinoises qui n'ont pas où se détendre espèrent que ces lieux se multiplient encore dans toutes les grandes cités de Constantine. «Dans une ville qui étouffe, on en aura grand besoin», dira un père de famille. Pourvu que les responsables y pensent aussi, car les rares espaces libres à Constantine ont tous été envahis par le béton.