Le caroubier, Taslaghwa et akharrouv en kabyle ou El Kharoub en arabe, connu sous le nom scientifique de Ceratonia Siliqua, est un arbre méditerranéen aux nombreuses vertus. Il est connu depuis des milliers d'années dans le bassin méditerranéen. Un arbre robuste, résistant à la sécheresse et au feuillage toujours verdoyant. Il peut vivre jusqu'à 200 ans. En Algérie, on le trouve un peu partout dans le nord du pays, et même au nord du Sahara dans des altitudes de moins de 1700 m. Dans la wilaya de Boumerdès, les villageois des montagnes ont une longue histoire avec le caroubier. A Talilt, village sis sur les hauteurs de la commune de Beni Amrane, ses quelques habitants continuent encore de tirer bénéfice de cet arbre. «Auparavant, nous vivions avec ce que prodigue Dame Nature. Figues, olives, caroubes, etc. J'ai 25 caroubiers qui produisent chacun entre 3 à 4 quintaux selon les saisons. Actuellement, on vend la récolte à des prix qui varient aussi selon la production, entre 10 à 20 DAle kilo», dira Youcef, habitant de Talilt. La cueillette du fruit, la caroube, est réservée aux enfants. Durant tout l'été, saison de la cueillette, les petits écoliers se bousculent sous les caroubiers pour ramasser le maximum de fruits. «Je n'ai pas quitté le village durant les vacances d'été, nous n'avons pas assez d'argent pour voyager ailleurs. Cette année, j'ai fait 15 000 DA de recette en vendant de la caroube. Je les utiliserai pour la rentrée scolaire», dira un enfant de Talilt, tout heureux de son exploit. Un arbre à 100% utile Dans les traditions des villageois, la consommation de la caroube se fait de différentes manières. «Soit on mange directement le fruit, soit on le moud une fois sec pour obtenir une farine qu'on mélange à l'huile d'olive pour la consommer. Auparavant, je me souviens qu'on faisait même du couscous avec», explique Ali, un sexagénaire. Le fruit du caroubier est d'un goût sucré. Par sa forme, il ressemble beaucoup plus à des gousses de haricot ou à des cornes. La caroube est largement utilisée depuis l'antiquité pour ses vertus thérapeutiques, notamment pour remédier aux troubles digestifs. Les vieillards qui le connaissent très bien l'utilisent à nos jours pour soulager les maux intestinaux. Il élimine les diarrhées et stoppe les reflux gastriques. La poudre de la caroube est actuellement utilisée dans la production des confiseries. Les graines du fruit sont aussi utiles dans les domaines pharmaceutique et cosmétique, et aussi comme un substituant du cacao. Les autres parties de l'arbre sont aussi d'une grande utilité. Le bois du caroubier est d'une très bonne qualité, lourd et d'une couleur rougeâtre. Pendant la floraison, les abeilles en profitent pour produire le miel du caroubier. Les feuilles de cet arbre sont un bon aliment pour le bétail. Le fruit sert aussi à faire grossir le bétail tout en lui évitant d'accumuler la graisse. Le caroubier sous-exploité Tous ceux que nous avons interrogés à Talilt disent que les arbres de caroubier existant dans leur région n'ont pas été plantés par l'homme. «Nous ne plantons pas des caroubiers, ils poussent naturellement dans les montagnes. C'est un legs de la nature. Tout ce que nous faisons, c'est le greffage» expliquent-ils. Pour arriver à sa destination finale, la récolte de la caroube doit faire un long chemin. M. Naâmane, qui s'est spécialisé dans la collecte de la production locale de la caroube à Boumerdès, est l'un des principaux fournisseurs des entreprises spécialisées en la matière. Il sillonne les villages avec sa camionnette à la recherche de la moindre quantité de la caroube auprès des propriétaires. Il a fait de la RN5 à la sortie de Beni Amrane son lieu de stockage et de commercialisation. Un camion semi-remorque stationné charge une grande quantité de caroube et s'apprête à quitter les lieux. Selon le chauffeur, il se dirige vers la commune de Remchi, à Tlemcen, pour acheminer la marchandise à une entreprise spécialisée dans la transformation des dérivés de la caroube. Conscient de l'importance de la caroube, un particulier de Beni Amrane a eu l'idée d'investir dans de créneau. Il a déposé une demande au niveau de la direction des forêts de Boumerdès. Malheureusement, son projet est tombé à l'eau suite au refus des responsables du secteur des forêts dans cette wilaya. «Je leur ai proposé de reboiser les dizaines d'hectares ravagés par les feux dans les montagnes, et ce, en plantant des caroubiers. Tout ce que j'ai eu, c'était un rejet sans explications», déplore-t-il.