Pour certains, le jeu est clair : il s'agit d'une tentative de musellement de la société. Un arrêté du wali de Béjaïa, Oueld Salah Zitouni, datant du 23 septembre dernier, interdisant toute activité autre que culturelle dans les édifices publics dédiés à cette vocation, a suscité une levée de boucliers collective au sein de la société civile. Le document, dont des copies circulent sur les réseaux sociaux, ordonne explicitement au directeur de la culture de «ne pas autoriser l'organisation de rassemblements ou quelconque manifestation à vocation non culturelle dans les salles de cinéma, de théâtre et les maisons de la culture». Le wali s'est adressé également au DRAG, les présidents d'APC et les chefs de daïra les instruisant d'appliquer formellement cette note. Curieusement, passée inaperçue des semaines durant, cette directive, qui refait surface, a provoqué, comme il fallait s'y attendre, un tollé au sein des organisations de la société civile, partis politiques et sur les réseaux sociaux. Car il y a vraiment lieu de se poser des questions sur les réelles visées de cette décision venant d'un wali fraîchement installé. Tentative de verrouillage ? Celui qu'on surnomme le «bombardier» est-il en train de mener des «raids» contre les espaces sociaux dans une conjoncture marquée par l'austérité et la rigueur budgétaire ? S'agit-il d'un ballon-sonde lancé pour jauger la société civile d'une wilaya connue pour son humeur frondeuse ou tout simplement d'une mesure visant à réorganiser les lieux de culture ? Hier, en voulant en savoir plus, le directeur de la culture, Khellaf Righi, contacté par téléphone, nous a déclaré : «Personnellement, je n'ai rien refusé à qui que ce soit et rien n'a changé sur la question.» Et d'expliquer : «Le wali ne vise que la préservation de la vocation première des espaces de culture et en aucun cas il a interdit le débat social. Il est (le wali, ndlr) attentif au manque d'infrastructures dans la wilaya et il nous a entendu là-dessus.» «Il ne s'agit pas d'une interdiction mais d'une simple volonté d'organiser les lieux de la culture et de préserver leur vocation initiale», apprend-on de la cellule de communication de la wilaya. Une reculade ? Tout porte à le croire vu les réactions épidermiques suscitées. Pour certains, le jeu est clair : il s'agit d'une tentative de musellement de la société. «On ne va jamais admettre que des espaces de débat et de liberté soient touchés ; il s'agit d'une tentative de rétrécissement des espaces sociaux sur laquelle on ne va pas se taire», dénonce Hocine Boumedjane, responsable au CDDH de Béjaïa, contacté par téléphone. Sur sa page facebook, Mouloud Debboub, président du bureau local du RCD, a condamné fermement cette note estimant qu'elle vise «l'interdiction des activités politiques». Pour sa part, le fédéral du FFS, M. Boukellal, se réserve d'émettre un avis tranché : «Nous avons déposé une demande pour un événement au niveau de la maison de la culture et nous attendons la réponse. Maintenant si cette décision s'avère vraie, cela mérite un débat, une réaction de la part des concernés en vue de s'y opposer.» Du côté du café littéraire dont les activités se déroulent depuis des années au niveau du TRB, selon un membre, contacté par téléphone, «le passage par le DRAG est désormais obligatoire pour l'organisation d'un café littéraire. Cette décision d'interdiction n'a pas de sens et se réfère à une loi datant de 1966. Si jamais elle s'avère vraie, nous sommes prêts à nous organiser avec d'autres pour l'avorter, car les lieux de culture appartiennent à la population et non à l'administration». Toutefois, nuance-t-il, «nous n'avons fait l'objet d'aucune interdiction pour le moment». Sur les réseaux sociaux, des commentaires condamnant cette décision fusent de partout.