Quelle vérité annoncer aux Algériens ? La réponse arrive, quelques jours après le Conseil des ministres lors duquel le président Bouteflika a ordonné à son gouvernement d'informer le citoyen sur la réalité économique du pays. Et celle-ci ne tend pas à reconnaître l'échec et l'aggravation de la crise financière, dont les contours se sont dessinés depuis plusieurs mois déjà. Le Premier ministre préfère parler d'«optimisme» et de «larges capacités de résistance» à la crise économique. «Dire la vérité, c'est tabler sur un baril de pétrole à 45 dollars comme base d'élaboration de la loi de finances pour 2016 qui ira dans le sens de la croissance et non dans celui de l'austérité, car nous avons largement les capacités de résister et de nous améliorer», déclare-t-il à partir de Biskra où il a présidé, hier matin, les travaux de la 18e tripartite gouvernement-UGTA-patronat. Une réunion à laquelle a été invité, pour la première fois, le directeur général du Bureau international du travail (BIT), Guy Ryder. Selon M. Sellal, il n'est pas question de procéder à des coupes budgétaires qui toucheraient aux transferts sociaux pour faire face à la contraction des ressources financières. Une éventualité qu'il qualifie de «cynique» et «macabre». «Le réflexe primaire ainsi que le calcul froid et cynique prôné par certains analystes voudraient que l'on procède de la manière la plus basique : si les revenus ont baissé de 47% sur l'année écoulée, des coupes dans les mêmes proportions doivent être opérées sur les dépenses, notamment celles non productives, à savoir les transferts sociaux», déclare-t-il. Pour lui, cette recommandation «macabre» ne tient pas compte de la nature «sociale et démocratique de l'Etat algérien» qui n'acceptera pas, dit-il, d'abandonner «le faible et le nécessiteux». Ce faisant, Abdelmalek Sellal rappelle les mesures prises dans le cadre de la LFC 2015 et la loi de finances 2016 qui permettront à l'Algérie, assure-t-il, de mieux encaisser la baisse brutale des prix du pétrole. «A nous maintenant de transformer cette capacité de résilience en levier de transformation de notre économie vers la création de richesses et d'emplois», indique-t-il. Et d'ajouter : «La démarche du gouvernement vise particulièrement l'amélioration et la préservation du pouvoir d'achat des Algériens ainsi que la poursuite de l'effort en matière d'action sociale». «Nous ne sommes pas un gouvernement de choc» Abdelmalek Sellal anticipe sur d'éventuelles critiques de cette démarche et les résistances auxquelles seront confrontées les réformes du gouvernement : «Je sais bien que les fatalistes risquent de douter de cette démarche, mais nous sommes déterminés à leur opposer un message d'espoir et de courage pas du tout naïf, mais fondé sur une parfaite connaissance des potentialités nationales et sur une foi inébranlable en nos concitoyens.» Dans la foulée, il réitère l'engagement de son Exécutif «à bâtir l'Algérie du XXIe siècle, dotée d'une économie émergente». «Nous savons tous qu'il y aura des résistances au changement auquel les habitudes ou les intérêts essayeront de s'opposer. Mais nous ferons des réformes. Nous ne sommes pas un gouvernement de choc. Nous réaliserons des réformes acceptées socialement», lance-t-il. Traçant les objectifs de croissance pour 2016 fixés à 4,6%, le Premier ministre incite les opérateurs économiques à contribuer à la réussite de la démarche du gouvernement, et ce, en tablant sur le couple agriculture-industrie. Il assure, dans ce sens, que le gouvernement est engagé à accompagner les opérateurs économiques et les investisseurs. Cela passe, dit-il, par leurs problèmes, notamment ceux concernant l'accès au foncier industriel. «Il n'y aura pas changement de monnaie» Le gouvernement se donne, à cet effet, un délai de six mois. «Des instructions ont été données aux walis pour faciliter les investissements. Les maires, de leur côté, doivent dégager des assiettes foncières», déclare-t-il. Et de lancer à l'adresse des opérateurs économiques : «Nous sommes pour l'enrichissement. En vous enrichissant, vous aller enrichir le pays». Abdelmalek Sellal appelle également les banques publiques et privées à accompagner les investisseurs. Revenant sur la tentative d'intégrer le secteur informel dans l'économie formelle, il tente de rassurer les détenteurs de capitaux, affirmant qu'il n'y aura aucune poursuite judiciaire contre les personnes qui acceptent de mettre leur argent dans les banques. A cet effet, il dément les rumeurs évoquant une volonté du gouvernement de changer la monnaie, notamment les billets de 1000 et 2000 DA : «Il n'est pas du tout prévu de changer la monnaie.»