Le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, n'en finit pas de dérouter son monde. Y compris dans les rangs des formations politiques qui soutiennent le président Bouteflika et son programme. Le patron du FLN affiche désormais publiquement sa volonté de faire cavalier seul. Le semblant d'affinités que les deux rescapés de la coalition présidentielle, le RND et le FLN, laissent transparaître pour sauver les apparences ne résiste plus au nouveau paysage politique qui se dessine à grands traits. Le FLN, qui se revendique comme le parti majoritaire, cherche désormais à ramasser la mise pour lui seul. Il se sent, aujourd'hui plus que jamais, en position de force pour atteindre cet objectif, ragaillardi par le soutien de son président d'honneur, Bouteflika, réitéré sans la moindre équivoque lors du dernier comité central du parti, conforté par le message du chef d'état-major, le général de corps d'armée Gaïd Salah, adressé au FLN à la même occasion. Dans cette redistribution des cartes dans le camp de l'ancienne coalition présidentielle, le Rassemblement national démocratique (RND) apparaît comme la plus grande victime collatérale de la guerre de leadership qui agite les rangs des deux principaux partis du pouvoir. Une guerre qui s'étale désormais au grand jour. Plusieurs indices montrent bien que le courant passe mal entre Ouyahia et Saadani. Ce n'est pas seulement une question de divergence dans la démarche politique, mais de vision du pouvoir, d'ambition partisane et de carrière politique. Qui aurait imaginé, il y a quelques semaines seulement, qu'Ahmed Ouyahia émette des réserves et se donne la liberté d'éconduire Saadani par rapport à l'initiative du front auquel a appelé le FLN ? Saadani lui a rendu la politesse séance tenante, en annonçant deux décisions politiques d'importance qui consacrent la mort de l'attelage partisan RND-FLN qui avait constitué le socle de l'Alliance présidentielle. La première consistant en le refus du FLN de négocier avec quelque formation que ce soit, fut-elle le RND, des postes électifs dans les différentes assemblées, à commencer par le renouvellement des sièges de sénateur. La seconde traduit le bannissement, dans le nouveau projet politique du FLN, de l'idée du candidat du consensus à l'élection présidentielle. «Le FLN aura son propre candidat», a révélé le secrétaire général du FLN. Alors que la question de l'élection présidentielle est considérée par les cercles du pouvoir et ses relais comme une hérésie, invitant l'opposition qui réclame des élections anticipées à patienter jusqu'en 2019, voilà que le sujet est évoqué de l'intérieur du système. Il est difficile de croire que le message est adressé uniquement à la classe politique, aux soutiens du pouvoir sur lesquels ce dernier s'est toujours appuyé pour tenter d'ancrer dans l'opinion publique l'idée du candidat du consensus. Ce n'est pas un banal cours de pédagogie politique auquel s'est essayé Saadani. La sortie pour le moins inattendue du patron du FLN sur l'élection présidentielle peut laisser penser que le calendrier électoral va connaître des aménagements imminents. La conviction est de plus en plus partagée au sein du pouvoir que Bouteflika ne pourra pas aller au bout de son mandat en raison de son état de santé. L'annonce par Saadani de la volonté de son parti d'avoir son propre candidat à l'élection présidentielle est le signe patent que la course à la succession a bel et bien commencé.