Les citoyens ne savent plus à quel saint se vouer. Consommer ou ne pas consommer de dattes aujourd'hui. Ceux qui achèteront Deglet Nour en ce début du mois sacré cautionneront d'une façon directe le vol de la récolte de Deglet Nour encore sur pied. C'est le P/APC de Ouargla, M. Nessil, qui l'a annoncé, avisant les gens de l'appui de la municipalité aux producteurs et exhortant la population à éviter d'acheter Deglet Nour avant le 10 octobre, soit le jour de la récolte. Il ira jusqu'à inciter les Ouarglis à alerter les services communaux ou la police de l'ouverture de commerces de degla avant cette date. L 'arrêté communal en appelle au civisme des citoyens pour boycotter la marchandise proposée sur les étals, notamment dans des garages ouverts chaque année à cet effet et dont l'ouverture correspond au début des vols dans les palmeraies. Les fellahs qui souffrent depuis longtemps de ce phénomène sont satisfaits d'être enfin entendus, surtout que leurs propres méthodes de guet n'ont jamais réussi à dissuader les voleurs. Ils persistaient à demander aux pouvoirs publics de mettre en place un système de surveillance ou du moins des mesures dissuasives devant la criminalité organisée qui s'adapte à chaque récolte en améliorant ses techniques aux besoins de l'heure. La méthode est simple, les horaires changent, le camouflage est performant et l'enlèvement proprement dit de la récolte puis la vente en toute impunité de Deglet Nour se font de nuit dans les palmeraies qui sont loin des accès routiers et des habitations, d'où le manque de surveillance. Car c'est des doigts de lumière, l'espèce fétiche des jeûneurs, qu'il s'agit. Depuis que le Ramadhan coïncide avec la saison de la récolte, le phénomène a pris une ampleur telle qu'il a été remarqué que des palmeraies étaient entièrement cambriolées, les régimes de dattes enlevés et transportés après le ftour ou dans la soirée et les propriétaires qui s'aventuraient à surveiller leurs récoltes agressés et maîtrisés in situ. La détresse des petits producteurs est compréhensible. Elle vire parfois à la tragédie, puisque l'année dernière a enregistré la mort de plusieurs petits fellahs dont deux femmes choquées de voir leur unique ressource ainsi escamotée sans espoir d'en récupérer les dividendes. Mais nos fellahs n'ont jamais accepté d'assurer leurs récoltes, d'employer des gardiens ou d'organiser un système efficace de gardiennage à même d'éloigner les voleurs. Les autorités locales et les services de sécurité ont pour leur part limité leur intérêt au dossier à quelques mesures de surveillance inefficaces. Aujourd'hui, le staff communal sous la présidence d'un nouveau maire installé depuis seulement quelques mois se veut énergique et à l'écoute. Nous verrons si cet arrêté fera long feu, surtout que Deglet Nour est sur les étals de Souk Essebt, Souk El Ihed et Souk Belabess. Elle viendrait de Biskra et de Djemâa, disent les commerçants, mais qui sait s'il s'agit d'une « Degla ouarglia » déjà volée. A souligner que les autres types de dattes ne sont pas concernés par le vol étant de faible valeur marchande et coïncidant rarement avec le Ramadhan, car faut-il le rappeler, le Mnaguer, qui est la primeur des variétés de dattes molles, est disponible seulement entre juin et septembre. C'est une datte traditionnellement estivale et ne se prêtant pas à la conservation. Aux dires des consommateurs, le fait qu'il en demeure encore des variétés tardives sur le marché n'empêche pas que Deglet Nour, encore à ses débuts, soit la plus recherchée, volée ou pas.