Les derniers développements de la scène nationale montrent que le risque d'explosion sociale est de même niveau que celui de l'implosion du système. L'on ne sait pas si le président de la République a la pleine maîtrise des affaires du pays, mais il est clair qu'il n'a plus un total contrôle sur le sérail et ses dépendances qui ont servi jusqu'ici à asseoir son pouvoir. Les «anti-4e mandat», la mobilisation des chômeurs et autres révoltes ponctuelles ont quasiment disparu des radars. A présent, c'est le système qui fait la guerre à lui-même. L'«appel au calme» lancé par le chef de l'Etat à l'occasion du 1er Novembre semble tomber dans l'oreille d'un sourd, ce qui n'est pas surprenant au regard de la sénescence du personnel politique qui continue de s'adresser à l'opinion publique. La teneur de ce message présidentiel a été démentie, le jour même de sa publication, par un ancien ministre de l'Intérieur et président du MALG, une organisation qui continue à hanter les esprits bien après la défunte SM et la toute puissance du DRS. La déclaration-agression de Ould Kablia à l'encontre de la mémoire de Abane Ramdane a fait découvrir aux Algériens que le pays a été gouverné – et continue sans doute de l'être – par un personnel qui ne peut pas, historiquement et culturellement, construire l'avenir vu qu'il renie le passé, notamment le combat des hommes qui ont, grâce justement à leur tempérament et leur volonté de fer, rendu l'indépendance possible. Une semaine après l'embardée de l'ex-ministre de l'Intérieur, c'est une demande d'audience au Président qui fuse dans le débat public, émanant de personnalités qui ne s'étaient pas illustrées auparavant par une défiance envers le chef de l'Etat. Si certaines voix de l'opposition engrangent cette démarche susceptible de resserrer l'étau autour du cercle présidentiel, une forme de circonspection marque l'opinion publique, qui y voit un nouveau soubresaut au sein du système. La question de l'aptitude à assumer la fonction présidentielle pouvait être soulevée au moment où le pouvoir lançait la machine du 4e mandat, il y a deux ans. La campagne électorale par procuration annonçait sans fioriture un exercice de pouvoir par délégation. Les images des cérémonies de dépôt de candidature puis de prestation de serment ont fini par installer dans le pays une certaine fatalité d'un pouvoir amoindri, devant réduire les activités officielles à leur plus simple expression. Si la mobilité s'est évaporée au palais d'El Mouradia, la capacité manœuvrière doit y rester intacte. Dans le cas où la Présidence déciderait d'accéder à la demande d'audience dans le but de faire retomber la fièvre montante, ce serait avec un risque calculé. Des échos évoquent une éventuelle audience restreinte qui donnerait un cachet quasiment diplomatique à l'entrevue et intégrerait le dispositif médiatique du pouvoir. Entre restructurations et affrontements feutrés, le pouvoir continuera à maintenir un règne bancal jusqu'au jour où la misère mettra des visages inconnus sur une révolte trop longtemps contenue.