En dépit des efforts du gouvernement et du battage médiatique qui a précédé l'opération de bancarisation de l'argent «informel» – ou plutôt en circulation dans le circuit parallèle –, les premiers résultats sont loin de répondre aux attentes officielles. Trois milliards et demi de dinars à peine ont été «récoltés» sur les 1300 qui circulent sur les marchés noir et gris, en marge des réseaux officiels. Une goutte d'eau dans un océan quand on sait que le gouvernement lui-même avait estimé, en mars dernier, lors des Assises du commerce extérieur, que plus 3700 milliards de dinars, soit 40 milliards de dollars, «transitent» par la sphère informelle… Le faible taux de bancarisation enregistré depuis le lancement de l'opération, il y a trois mois, peut être assimilé à un constat d'échec. Et ce, en dépit des assurances des initiateurs de cette opération et des garanties avancées quant à la sécurisation et la promesse à l'égard des dépositaires de ces fonds qu'ils ne seraient pas inquiétés par l'administration fiscale en contrepartie d'un faible prélèvement de 6% sur les montants déposés dans les banques. Le résultat enregistré confirme quelque part les doutes et le scepticisme des experts et des observateurs sur la valeur opératoire d'une telle démarche des pouvoirs visant, pour certains, à rendre «blanc» un argent qui ne l'est pas. Y compris, dans ce cas de figure, la méfiance est de mise de la part des opérateurs comme des «barons» de l'informel vis-à-vis d'un procédé frappé lui-même de suspicion au départ, tant il a été initié dans un contexte politique, économique et social d'une totale opacité aussi bien pour ce qui est des véritables centres de décision que pour les buts recherchés et pour quelles finalités. Tout ceci est aggravé par un environnement international qui est loin d'être favorable à l'économie et aux finances nationales. Cela n'a fait amplifier les doutes des opérateurs et des détenteurs de capitaux en circulation dans les circuits non officiels. Alors que le gouvernement ne compte que sur l'incitation suscitée par le faible taux de prélèvement, force est de constater qu'à l'opposé, les «retours sur investissement» sont de l'ordre du double ou du triple dans la sphère informelle. En d'autres termes, des gains faramineux attendent leurs détenteurs et surtout à très court terme. On les voit mal, par conséquent, accepter de «lâcher la proie pour l'ombre» et opter pour l'immobilisation d'un tel argent alors qu'il peut leur rapporter deux ou trois fois plus dans des opérations «d'import-import», par exemple. Ce qui est impossible dans un environnement bancaire dominé par une orthodoxie financière. Le manque de visibilité, né de l'immobilisme d'un pouvoir autoritaire, ressenti y compris – et surtout – chez des opérateurs activant dans l'informel, ne peut qu'aboutir à un tel désintérêt ou, pour le moins, à un faible attrait pour la démarche du gouvernement. Une posture de «wait and see» que l'on retrouve malheureusement partout ailleurs.