Comment tuer le temps ? Comment le faire passer ? Le combattre ? Le contracter ? Peut-être en allant travailler ? Mais non. Comme prévu par l'Office national des statistiques, Chaâbane n'est pas allé au travail aujourd'hui non plus. Trop tôt encore. Mais, fumeur invétéré, Chaâbane s'est demandé s'il pouvait mettre des patchs pour éviter le manque et si cette pratique était licite. Chaâbane a trouvé là une occasion de sortir. Il a demandé à l'imam du quartier qui lui a répondu qu'il n'avait pas étudié le dossier et qu'il lui fallait un mois pour lui donner un avis formel. En attendant, il peut mettre des patchs, mais après le ftour, ce qui pour Chaâbane ne sert à rien. Si, quand même, lui a expliqué l'imam, à arrêter de fumer. Ce à quoi Chaâbane a répondu que son problème n'était pas d'arrêter de fumer mais de ne pas fumer avant le ftour. S'en est suivie une longue discussion sur le tabac, est-il un produit naturel, sur les patchs à la caféine, les patchs à la dolma, sur les Prophètes, fumaient-ils ? Sur l'avenir de la santé nationale et l'avenir tout court en Algérie. Chaâbane a quitté l'imam un peu déçu, lui souhaitant de ne pas faire d'accident en roulant sur l'étroite voie de Dieu. Chaâbane a ensuite acheté 7 pains, un de farine, un de semoule, un d'orge, un au sanoudj, un au miel, un aux dattes et un au bifidus passif, dernière trouvaille des importateurs. Tout en achetant un autre pain de 12 kilos « spécial Ramadhan des familles », Chaâbane s'est dit que tout ça était un peu trop cher. Il est rentré chez lui, rêvant, dans l'ordre, d'un gros plat de frites et d'un petit million de dollars. Devant le miroir de la salle de bains, Chaâbane a observé son visage pendant une heure et a réalisé qu'il commençait à devenir jaune, déjà au deuxième jour. Le temps de tenter une dispute avec sa femme, rouge, trop tard. Il est déjà 19h42. Saha ftoro.