Comment tuer le temps ? Au 9e jour de Ramadhan, Chaâbane ne se pose plus la question. Chaâbane n'a plus envie de tuer, pas même le temps, peut-être sa femme Sheila, à la rigueur. Mais il n'y a plus de rigueur, maintenant pour Chaâbane, il ne s'agit plus que de se laisser porter, flotter, se laisser lentement descendre vers la sortie, prévue pour la nouvelle lune et l'Aïd le petit, celui qui doit amener la délivrance et les réjouissances. En cette deuxième semaine de jeûne, Chaâbane est très fatigué. Les yeux rouges, la tête vide et les intestins tordus. Veillées nocturnes à ne rien faire qu'avaler des litres de thé et fumer des tonnes de goudron, journées molles sans consistance, à chercher sans conviction le sommeil réparateur ou le pain le plus original. Chaâbane est très fatigué, tout comme sa femme Sheila est épuisée. Tout comme le président Bouteflika, lui-même, éreinté de devoir toujours gronder les cadres de la nation. Arrivé en colère à l'ouverture de l'année judiciaire, il a jugé les juges, lourds, injustes et corrompus, et a oublié de parler de l'essentiel, le sort des repentis et des disparus après l'expiration du délai de grâce. Si Chaâbane n'est pas encore monté au maquis sous la pression de l'Etat et n'a pas encore disparu sous le poids de la société, il a voté pour la réconciliation. Pour une raison bien particulière. Un terroriste de son quartier lui a emprunté une perceuse il y a 5 ans. Comme il n'a pas été annoncé mort ou arrêté, c'est qu'il est toujours au maquis. Il faut qu'il puisse redescendre pour lui rendre sa perceuse mais s'il est arrêté, il en aura encore pour 5 ans supplémentaires. Après avoir acheté 12 pains et 290 yaourts, juste comme ça, Chaâbane est allé voir son ami Laïd pour la perceuse et la réconciliation. Le temps que Laïd trouve une réponse à cette problématique complexe et c'est trop tard. Il est déjà 18 h. Chaâbane est rentré chez lui. Saha ftoro.