Le ministre de la Communication Hachemi Djiar a-t-il convoqué les journalistes de la presse nationale, juste pour leur dire que le président est dans « une excellente santé ? » Sa sortie médiatique tout à fait inattendue, qui plus est, n'avait pas d'ordre du jour, suggère en tout cas qu'elle était destinée à pallier un défaut de communication institutionnelle, voire un silence gênant sur la conduite des affaires des algériens par le staff de Bouteflika. A commencer par l'état de santé du chef de l'Etat dont la récurrence des bilans franchement positifs, inquiète apparemment plus qu'ils ne rassurent. Le fait est que les Algériens ont du mal à se départir de ce sentiment qu'on leur cache « quelque chose » à propos de la santé du président. Très peu bavard depuis quelques mois pour un président qui aura crevé l'écran six années durant, l'effacement du chef de l'Etat ne pouvait passer inaperçu. Cela est d'autant plus vrai que même l'activité diplomatique du président est réduite à un minimum vital. Il est en effet difficile de motiver politiquement l'absence de Abdelaziz Bouteflika à New York, à l'occasion de la tenue de l'Assemblée générale de l'ONU. Le chef de l'Etat si friand de ce genre de messe diplomatique ne pouvait bien sûr rater une telle opportunité de rencontrer « son ami Bush ». Bouteflika a, au bout du compte, préféré zapper l'ONU et les Etats-Unis quitte à attiser la rumeur. Une rumeur qui le donnait « souffrant ». Mais il ne pouvait éviter de participer au sommet des Non-Alignés qui devait se tenir à la lointaine Cuba du fait qu'il soit lui-même le président en exercice de cette organisation. Au niveau interne, la feuille de route présidentielle annoncée pour cette rentrée sociale a dû subir un grand chamboulement. Le fameux conseil des ministres qui devait servir de catalyseur de l'action de l'exécutif ne s'est toujours pas tenu. Beaucoup de textes de lois de dossiers brûlants restent en rade en attendant cette réunion annoncée pour la première semaine de septembre. De la même façon que le très attendu acte II de la réunion gouvernement-walis que présiderait Bouteflika a été reportée sine die. L'info et la manip... Et comme, officiellement, le pouvoir ne sent pas l'obligation de justifier son propre constat de carence, il fallait donc pallier cette incommunication du pouvoir qui devient plus pesante avec l'hypothèse de la maladie du président. Que le ministre de la Communication convie les journalistes à des rencontres à bâtons rompus est en soit une bonne initiative. Qu'il prévoit de ramener chaque semaine un ministre de la République répondre aux questions de la presse est également excellent. Or ce que réclame la famille des médias n'est pas tant d'écouter « les schémas directeurs de chaque ministère » pas plus qu'elle ne souhaite écouter la récitation des chiffres creux qui sonne le déjà entendu. Les journalistes voudraient que M. Djiar leur garantisse un libre accès aux sources de l'information pour pouvoir enquêter si besoin sur les sulfureuses affaires de corruption qui gangrènent le pays. Sur ce plan, le ministre ne s'est engagé en rien. Il a juste « rassuré » que ce n'est pas demain la veille que le pouvoir de Bouteflika consentira l'ouverture du secteur de l'audiovisuel à l'initiative privée. C'est à peine si l'on a appris que le président devrait auditionner individuellement ses ministres pour voir où ils en sont dans leurs bilans trimestriels. Et encore… Tout se passe comme si on veut à tout prix éviter les questionnements sur l'état de santé du président. La réponse du reste attendue du ministre et sa publication en première page de beaucoup de journaux prouve au moins que cette question est loin d'être un commérage de journalistes. Cette deuxième sortie médiatique du ministre de la Communication depuis le mois de juin ne relève sans doute pas de la coquetterie politique, pas plus qu'elle ne traduise un emballement dans un secteur réputé figé. Ceci, bien que certains n'hésitent pas à prêter au pouvoir un nouveau plan de communication comme le suggéré Hachemi Djiar lui-même. A moins que ce plan ne consiste à occuper opportunément le terrain politique étrangement déserté par ceux qui sont censés leur épargner la sanction populaire quand l'heure des comptes sonnera.