Une production insuffisante, due particulièrement à la diminution de la ressource ; des prix de cession de nos produits en gros souvent insignifiants ; des charges d'exploitation excessivement lourdes ; des conditions climatiques particulièrement défavorables ces dernières années qui limitent considérablement le nombre de sorties en mer ; cette liste n'est pas exhaustive, loin s'en faut, car il faut aussi rappeler que nous sommes les seuls pêcheurs en Méditerranée tout au moins à payer le carburant en toutes taxes », tels sont les problèmes exposés par un collectif des armateurs (investisseurs, ndlr) de la wilaya de Tipaza, pour justifier leur incapacité de rembourser leurs dettes dans les délais. C'est ce qu'on pouvait lire dans leur lettre adressée au directeur général de la Chambre nationale de la pêche et l'aquaculture (CNPA). Une réunion à Bouharoun (Tipaza) avait eu lieu la semaine écoulée et avait regroupé quelques armateurs avec Rahmani Toufik, DG de la CNPA. Face à cette situation présente, ils estiment que, matériellement, il leur est impossible de faire face à des créances aussi importantes dans un délai de 5 ans. Selon leurs doléances, ils expliquent que dans les pays du bassin méditerranéen, les crédits à la pêche sont accordés pour les périodes allant de 10 à 15 ans. Compte tenu de toutes ces difficultés, les armateurs impliquent le premier responsable de la CNPA afin qu'il intercède en leur faveur auprès de la BADR pour trouver un terrain d'entente, afin de préserver l'outil de production, d'une part et sauvegarder les intérêts de leur créancier (BADR, ndlr) d'autre part. Le représentant du collectif, Mimoun Mohamed, tient à ajouter que l'investissement représente un peu plus de 200 milliards de centimes et a permis la création d'un peu plus de 600 emplois directs dans le secteur de la pêche. « Nous souhaitons, nous dit-il, que notre requête soit étudiée afin que les responsables concernés puissent réviser les délais de remboursement de nos crédits ». Les ports de la wilaya de Tipaza abritent environ un peu plus de 60 chalutiers, 112 sardiniers et 280 petits métiers. La production halieutique dépasse annuellement 10 t, dont plus de 90% en poisson bleu, selon les estimations officielles, d'où l'engagement pris par l'Etat pour effectuer des grands travaux d'aménagement et d'extension au niveau des ports de Gouraya, Cherchell, Tipaza et Bouharoun. Une histoire de gros sous Contacté par nos soins, un responsable de la BADR d'Alger nous rappelle que ces personnes avaient bénéficié des crédits dans le cadre de la relance économique pour renouveler la flottille algérienne. La BADR s'est engagée dans ce processus. Elle avait signé une convention avec le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques, en accordant jusqu'à 50% du montant de l'investissement, l'Etat avait accordé une aide qui représentait 40% de la facture de l'investissement, tandis que l'apport personnel de l'investisseur ne dépassait pas 10% du montant du projet. « Des milliards avaient été convertis en euros pour l'achat des navires à partir de l'Espagne, la Turquie, la Tunisie, l'Italie et de la France. Ces navires importés depuis peu de temps commencent à rouiller et faire apparaître des anomalies alors qu'ils sont encore neufs », déclare notre interlocuteur d'Alger. Certains armateurs ne daignent même pas verser leurs recettes à la BADR, alors que d'autres continuent à honorer leurs engagements. Il ressort aussi qu'il aurait été souhaitable de mettre sur pied une commission technique composée uniquement d'experts en construction navale pour pouvoir déceler les tricheries et déterminer la qualité de l'état des navires et leurs équipements dès leur arrivée aux ports. Les coûts de navires importés ne reflètent nullement la réalité. Les poissons sont commercialisés dans et en dehors de la wilaya de Tipaza, y compris à l'étranger. Notre interlocuteur dira encore : « Je dois vous affirmer qu'au moment où ces armateurs se plaignent du délai de remboursement des crédits, au niveau de la BADR, nous avons des commandes de navires en cours. Donc, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette histoire, d'autant plus que nous savons que certains armateurs avaient importé plus qu'un navire ». Et d'ajouter : « Je pense que l'Etat a été honnête et plus que généreux en donnant des milliards, je précise bien en donnant des milliards, pour développer le secteur de la pêche. J'aurais souhaité que les services de la présidence de la République se penchent sur ce dossier précis, relatif à l'importation des navires dans le cadre du plan de relance économique, à l'instar des autres dossiers des secteurs des travaux publics et de l'hydraulique », conclut ce cadre de la BADR. Compte tenu des arguments des uns et des autres, notamment entre les démarches actuelles des armateurs qui avaient bénéficié des investissements et la rigueur de la BADR qui est résolue à faire respecter des engagements des parties, la situation risque de se compliquer et rien ne dit que des surprises ne vont pas être dévoilées, si le dossier est réellement pris en charge.