Des responsables de parti, des parlementaires, des experts et des personnalités politiques ont ouvertement critiqué le projet de loi de finances 2016 qui a été élaboré, pour la première fois depuis de nombreuses années, dans un contexte de crise économique. Après son examen par les membres de la commission des finances de l'Assemblée populaire nationale (APN), qui a donné lieu à des débats serrés, la loi de finances 2016 sera présentée, aujourd'hui en plénière, par le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa. Elle sera ensuite débattue durant trois jours, puis le ministre répondra aux interrogations des députés mardi après-midi. M. Benkhalfa tentera, lors de son exposé de défendre «sa copie» devant les députés et expliquer les raisons ayant poussé le gouvernement à recourir à de nouvelles dispositions qualifiées d'«impopulaires». Va-t-il convaincre ? La tâche sera difficile pour ce ministre dont le comportement et les propos en ont irrité plus d'un. En effet, Il y a quelques jours, l'argentier du pays a annoncé et justifié, à travers un média public, l'augmentation du prix du carburant et l'introduction de nouvelles taxes. Les députés ont sévèrement critiqué ses déclarations, accusant M. Benkhalfa de s'être attribué des prérogatives qui sont du ressort exclusif du Parlement, qui n'a pas encore adopté ce projet de loi. «Tant que le projet de loi de finances n'est pas approuvé par les deux Chambres, le ministre des Finances n'a pas le droit d'annoncer des augmentations de prix du carburant ou autres», ont dénoncé des députés du Parti des travailleurs (PT) et du Mouvement pour la société et la paix (MSP). Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT, s'est élevée contre ce texte de loi qu'elle qualifie d'«offensive sauvage et fatale pour le pouvoir d'achat» des Algériens, et ce, de par son orientation vers une austérité drastique. Plus que cela, elle estime que certaines des mesures de la LF 2016 consacrent le «recul de la souveraineté nationale» et la «constitutionnalisation de la prédation locale et étrangère» érigée en «système». «A travers cette loi, on prépare la rupture entre le peuple et l'Etat. Si le projet passe, ce serait une trahison à la Révolution !» s'est exclamée Mme Hanoune. Abderrazak Makri, patron du MSP, considère, quant à lui, que ce texte de loi est «dangereux» parce qu'il livre le pays aux hommes d'affaires avec une bénédiction étrangère. Il révèle que même les députés de la majorité (FLN, RND) contestent ce projet, mais discipline oblige, ils ne peuvent pas aller à contresens de leur direction... «Il y a une prise en otage de l'Etat», déplore M. Makri. Que contient donc ce projet de loi de finances pour soulever la colère de nombre d'observateurs avant même d'avoir atterri à l'APN ? L'opposition parle d'un projet flou qui «sert des intérêts spécifiques». «Les articles présentés dans ce projet de loi, notamment ceux contenus dans le chapitre relatif à l'investissement et la privatisation, sont ambigus. Le gouvernement n'a fait aucun effort dans l'exposé des motifs», expliquent des députés de l'Alliance de l'Algérie verte. Parmi les dispositions controversées figurent celle contenue dans l'article 55 qui prévoit la réduction de l'amende à l'encontre des bénéficiaires de terrains à vocation industrielle non exploités qui passe de 3% à 0,3%, ou encore celle qui permet à l'Etat de céder du foncier dans le cadre des projets touristiques. «A qui profitent réellement ces deux mesures», s'interrogent les élus du PT. Il y a aussi l'article 66 qui permet la cession définitive du terrain sur lequel un investissement est totalement réalisé. Les députés considèrent cette disposition comme une remise en cause de la souveraineté nationale. Des députés se sont insurgés également contre les articles 2, 14, 26, 34, 53, 59, 59, 66, 71… qui confirment, selon eux, la «mainmise du milieu des affaires» sur ledit projet de loi de finances en vue de «s'emparer de l'Etat», et ce, de par la part belle qu'il leur offre, notamment en termes de cession de terrains, de possibilité d'entrer dans les capitaux d'entreprises représentant la souveraineté nationale que sont par exemple Sonatrach et Sonelgaz, pour prendre leur contrôle par la suite…