Le procès Saipem-Sonatrach qui devrait s'ouvrir aujourd'hui, devant la quatrième section pénale du tribunal de Milan, sera certainement renvoyé à cause de la grève générale des avocats italiens. Le jugement de l'affaire Saipem-Sonatrach commencera probablement avec quelques jours de retard, car les avocats pénalistes italiens désertent les tribunaux, du 30 novembre au 4 décembre, et laissent leurs robes au vestiaire pour descendre manifester dans les rues de la capitale italienne. Ils exigent une réforme du code pénal et du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ils critiquent le très fréquent passage, parfois ambigu, de magistrats de la justice à la politique : l'actuel président de la République, Sergio Mattarella, et le président du Sénat, Pietro Grasso, sont d'anciens juges. Ils s'opposent également au projet de loi qui veut réduire les délais pour la prescription pour certains crimes et veulent dépénaliser des délits mineurs pour lutter contre le surpeuplement des prisons. Le 2 octobre dernier, la juge pour les audiences préliminaires, Alessandra Clementi, avait renvoyé sept mis en cause devant le tribunal milanais pour «corruption internationale» et «fausses déclarations sur leurs revenus». Ce scandale concerne le versement par les Italiens de la somme faramineuse de 197 millions d'euros à des responsables algériens pour décrocher sept contrats d'exploration et d'exploitation de gisements gaziers d'une valeur de 8 milliards d'euros. Le juge en charge de l'affaire avait également prononcé un non-lieu en faveur de l'administrateur d'Eni, Paolo Scaroni, et du groupe, ainsi que de Antonio Vella, responsable à l'époque pour l'Afrique du Nord. Dans les motivations de cette décision, on peut lire : le manque de «preuves directes» sur l'implication du patron d'Eni et sur son «hégémonie» sur Saipem qui n'ont pas été fournies par les investigateurs. Trois prévenus algériens et quatre Italiens seront par contre jugés. Pietro Varoni, qui était le directeur des opérations de Saipem, Alessandro Bernini (ancien directeur financier d'ENI puis de Saipem), Pietro Tali (ancien président et administrateur délégué de Saipem), mais également Farid Nourredine Bedjaoui (homme de confiance de l'ancien ministre de l'Energie Chakib Khelil), Samir Oureid et Omar Harbour, deux intermédiaires du neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. Les trois accusés algériens ne seront pas présents au procès et sont considérés fugitifs. Un mandat d'arrêt international a été lancé contre eux. Le cas du quatrième Italien impliqué dans ce scandale, l'ancien président de Saipem en Algérie, Tullio Orsi, sera différemment évalué par la justice italienne, puisqu'il a choisi de négocier sa peine avec le parquet, ce qui ne signifie pas, dans le droit italien, un aveu de culpabilité. Un autre mis en cause dans cette affaire, suspecté de recyclage, l'avocat français Yam Atallah, ne sera pas inquiété pour le moment pour «défaut de pouvoir juridictionnel». Ce dernier aurait joué un rôle-clé dans le blanchiment de l'argent des pots-de-vin en le plaçant dans des valeurs sûres : des propriétés de luxe à travers le monde, directement liées à l'ancien ministre algérien de l'Energie. Chakib Khelil n'est pas, à ce stade de l'affaire, poursuivi par la justice italienne car des preuves accablantes sur son implication dans ce scandale n'ont pu être collectées par les enquêteurs italiens malgré les missions rogatoires effectuées à l'étranger, au Liban, en Suisse, en France et... en Algérie. Et c'est en homme libre que l'ancien patron de Sonatrach a pu s'afficher lors de la cérémonie de commémoration du 1er Novembre à l'ambassade d'Algérie à Washington, réception organisée avec l'argent du contribuable algérien et traditionnellement réservée aux «meilleurs» fils de l'Algérie. A l'évidence, en faisant le choix d'inviter Khelil, les diplomates en poste aux Etats-unis voulaient signifier à leurs compatriotes que ce dernier était toujours considéré un «good citizen». Reste à savoir pour quelle nation...