Les travailleurs se disent décidés à ne pas reprendre le travail jusqu'au départ des dirigeants de l'entreprise. La tension est toujours de mise au niveau de groupe industriel SNVI de Rouiba, à 20 km à l'est d'Alger. Malgré le versement de leur salaire et la libération de leurs camarades, les travailleurs ont abandonné leurs postes, hier dès le début de matinée. «Nous réclamons le départ du PDG et de son staff. Ce sont eux et leurs prédécesseurs qui ont mené l'entreprise à la dérive», clament des grévistes rencontrés devant l'entrée de l'usine. Vers 10h, des centaines d'ouvriers se sont regroupés devant la division carrosserie pour l'entame des travaux de l'assemblée générale prévue après les émeutes de la veille. Mais aucun responsable de l'entreprise n'est venu y participer pour donner des explications à la situation critique que traverse le groupe. «Il n'y a que la directrice générale de division véhicule industriel, la filiale mère, qui est venue assister, mais nous, nous voulons entendre le PDG, Malek Saleh, afin qu'il nous dise pourquoi il n'a pas tenu ses engagements», déclarent des employés, qui dénoncent la mauvaise gestion et l'arrêt de la production. «Le compte bancaire de l'entreprise est à sec. On n'a pas de quoi acheter une pièce. D'ailleurs, je me demande où ils ont trouvé l'argent hier pour nous payer. On a l'équivalent de 10 milliards de dinars de marchandise bloquée au niveau du port parce qu'on n'a pas de quoi payer les taxes de dédouanement», révèle un technicien exerçant à la filiale fonderie. Selon lui, la décision des pouvoirs publics d'exonérer la SNVI des droits de douane n'est qu'un «leurre». Malgré notre insistance, aucun responsable du groupe n'a voulu nous recevoir afin d'éclairer l'opinion publique sur les raisons réelles du blocage de la production et la non-exécution des plans d'investissement. Les travailleurs se disent décidés à ne plus reprendre le travail jusqu'au départ des dirigeants de l'entreprise. «L'assemblée générale a été reportée à dimanche. On nous a dit qu'il est possible que le PDG vienne, mais nous, nous demandons son départ. C'est lui qui a fait couler l'entreprise publique Ferrovial, devenue une filiale de la SNVI en février dernier. Maintenant, il a été appelé par Bouchouareb pour faire la même chose ici», lancent-il. «Notre syndicat est vendu» Pour les grévistes, la crise structurelle que traverse le groupe ne sera pas résolue de sitôt. «La semaine dernière, le PDG nous avait assuré que la SNVI avait bénéficié d'un crédit de 40 milliards de dinars pour sa modernisation. Or, on n'a pas défini nos besoins et aucune stratégie n'a été établie pour ce faire», déplore un ingénieur qui cumule plus de 12 ans d'expérience au sein du groupe. «On a acheté des tonnes de pièces qu'on risque de ne pas utiliser. Nous avons pour 13 milliards de stocks et une commande de plus de 2 ans qui n'est pas satisfaite. Est-ce logique pour une entreprise qui, il y a 30 ans, produisait jusqu'à 7000 véhicules/an», regrette-t-il. Notre interlocuteur affirme que plus d'une centaine de bus presque finis ne sont pas livrés à cause du manque de petites pièces. «Nous avons une centaine d'autobus qui ne sont pas vendus en raison des retards mis pour les doter de plafonds et autres pièces que la SNVI peine à acquérir faute d'argent», se désole-t-il. Un autre travailleur parle de près de 2 milliards de dinars de dettes de l'entreprise envers des petits fournisseurs, en soulignant que même leurs représentants syndicaux n'ont rien fait pour défendre la SNVI. «La plupart de nos syndicalistes sont des vendus. Comment expliquer que cela fait plus d'un an qu'ils n'ont rendu aucun communiqué pour dénoncer l'arrêt de la production. Ils ont tous bénéficié de promotions. Et à chaque fois que nous venons protester et demander des comptes aux dirigeants, ils nous appellent au calme», déplore notre interlocuteur. Il est à rappeler que la SNVI regroupe cinq partenaires, dont trois ont été créés en juillet 2012, avec un capital de 103 millions d'euros détenu à 51% par la partie algérienne à travers la SNVI (34%) et le MDN (17%), et à 49% par le groupe émirati Aabar, tandis que l'allemand Daimler/Mercedes-Benz en est le partenaire technologique.