«Le gouvernement va suspendre progressivement les subventions sur les produits de première nécessité tels que l'électricité, lait, sucre et semoule. Cette manœuvre est imposée par la conjoncture économique actuelle car le gouvernement ne peut plus continuer à assumer les 70% des subventions sur ces produits», a déclaré mercredi Abderrahmane Benkhalfa, ministre des Finances, lors d'un entretien à la Radio nationale. Lundi, lors de la séance d'adoption de la loi de finances 2016 à l'APN, plusieurs députés se sont opposés à plusieurs articles, notamment ceux qui imposent certaines taxes supplémentaires, l'augmentation des prix des énergies et la levée des subventions sur les produits de première nécessité. Le chef du groupe parlementaire du Parti des travailleurs (PT), Djelloul Djoudi, est convaincu que «ces mesures, imposées dans loi de finances 2016 largement contestée par les députés de l'opposition lors du vote, vont créer un malaise social. Le consommateur algérien ne pourra plus subvenir à ses besoins, donc c'est normal qu'il y ait un climat de colère et de déstabilisation». Rouiba Le lendemain, les travailleurs de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI), qui emploie plus de 7000 personnes, sont sortis dans la rue pour réclamer la paie du mois de novembre. Ces protestataires, qui ont fermé de la RN5 qui relie Rouiba à Reghaïa, ont été réprimés par les forces de la Gendarmerie nationale, ces violents affrontements ont fait plusieurs dizaines de blessés parmi les travailleurs. Selon des membres du syndicat de l'entreprise, leur «société a bénéficié de beaucoup d'argent des pouvoirs publics dans le cadre de sa modernisation, mais sur le terrain, rien n'a été fait. On se demande où va cet argent. Et avec l'article 66 de la loi de finances où la privatisation des entreprises publiques est citée, on se demande si c'est vraiment un retard que prend ce plan de modernisation ou bien s'il y a une volonté de la part de nos dirigeants pour privatiser cette société avec leurs amis hommes d'affaires». «Nous avons été étonnés de voir cet article réapparaître lors de la séance du vote, alors qu'il avait été abrogé lors des travaux de la commission», ajoute notre source. Le Syndicat national des travailleurs de l'électricité et du gaz (Snateg) s'inquiète de la possibilité de licenciement de plus de «7000 personnes par le groupe Sonelgaz après les mesures de privatisation que stipule l'article 66 de la loi de finances validée récemment par la Chambre parlementaire», dénonce Mellal Raouf, chargé de l'organisation et de la formation auprès du syndicat. «Nous n'allons pas rester les bras croisés, nous allons mener une série de grèves et de manifestations dès qu'on aura terminer l'opération de sensibilisation auprès des travailleurs afin de dénoncer ces mesures qui encouragent l'instauration d'un système capitaliste qui touchera directement le pouvoir d'achat du consommateur qui n'arrive pas à subvenir à ses besoins.» Etusa Mercredi, les travailleurs de l'Entreprise de transport urbain et suburbain d'Alger (Etusa) ont enclenché une grève pour dénoncer «l'opacité» dans la gestion de l'entreprise après le limogeage, il y a plus d'un mois, de son directeur général, Yacine Krim. L'activité commerciale va être très perturbée par ces «mesures qui sont en faveur de l'activité commerciale dans le secteur de l'informel, on verra une baisse du nombre de commerçants qui sont en activité d'une manière légale, et en hausse ceux qui opère dans le secteur informel qui vont fuir les charges qui seront insupportables», assure Boulenouar Hadj-Tahar, ex-porte-parole de l'Union générale des commerçants algérien (UGCA). Et pour les prix des produits de première nécessité, «les prix de tous les produits vont augmenter pour plusieurs raisons. Déjà l'année 2015 a été marquée par la dépréciation de la valeur du dinar face aux monnaies étrangères, donc les prix des produits importés et des produits locaux fabriqués à base de matières premières importées ont augmentés. Et avec la loi de finances 2016, les producteurs, importateurs et commerçants vont devoir augmenter les prix de leurs produits, car avec l'augmentation des prix des carburants, le prix du transport va augmenter. Les transporteurs ont prévu d'augmenter leurs prix dès l'application de l'augmentation prévue sur les prix des carburants. Je vous assure qu'aucun produit ne sera épargné y compris les services qui vont devoir revoir leurs prix pour compenser l'augmentation des prix de l'électricité. Avec la réduction du pouvoir d'achat du citoyen, les consommateurs seront obligés de limiter le nombre d'article à acheter, et cela va se répercuter sur le commerçant qui va être obligé d'augmenter les prix de ces produits afin de faire face aux charges». Fichier national L'Association des consommateurs a lancé une campagne de sensibilisation contre ce projet. «Nous sommes contre toute levée de subventions sur les produits avant qu'il n'y ait un fichier national des familles nécessiteuses, et une définition du concept de famille nécessiteuse, car une famille de cinq membres avec des ressources de moins de 50 000 DA est une famille nécessiteuse», juge Mustapha Zebdi, président de l'Association de protection et d'orientation du consommateur et son environnement (Apoce). «Actuellement la hausse concerne les produits de l'énergie, il y aura encore des taxes sur l'automobile et une catégorie de produits importés. La hausse des prix d'électricité est une augmentation qui peut toucher une importante catégorie de consommateurs, alors que dans certains cas, il y a un seul compteur électrique partagé par plusieurs foyers, donc il sera impossible de ne consommer que 250 KW. Les répercussions indirectes seront sur le transport dont la hausse pourra atteindre 30%. Cette hausse est irrationnelle car si on partage la différence du coût du carburant par le nombre de passagers, elle ne va jamais atteindre 30%», ajoute la même source. Certaines associations professionnelles «sont en train de préparer le consommateur à une hausse abusive en utilisant comme argument la loi de finances 2016. On a peur qu'il y ait des dépassements avec des hausses injustifiées dans les marchés publics, les autorités publiques doivent dès maintenant se préparer à empêcher d'éventuelles hausses pour que la situation soit maîtrisable», conclut M. Zebdi. L'expert en finances Lias Kerrar estime, lui, que «si le ministre des Finances a évoqué la mise en place de subventions ciblées, il faut absolument que ces mécanismes soient mis en place très vite, pour montrer que cela fonctionne. Sinon, on va créer de l'angoisse chez les Algériens». Les salariés seront aussi affectés à cause de l'augmentation de 15% de la taxe de l'impôt sur le revenu global (IRG). Rachid Malaoui, président du Syndicat national autonome du personnel de l'administration publique (Snapap) est préoccupé : «Le pouvoir d'achat du consommateur va être réduit avec ces mesures, car les salaires vont baisser et les prix des produits vont augmenter. Toutes les augmentations de salaire que nous avons obtenues vont disparaître.»