Un accord mondial posant le cadre de la transition énergétique vers des sociétés et des économies sobres en carbone est né au forceps au bout de deux semaines d'âpres tractations marquées par des divergences entre les différentes parties. Cet accord sera-t-il à la hauteur des enjeux et des attentes de cette 21e Conférence sur le climat (COP21) ? Le consensus est-il réellement acquis pour ouvrir la voie à une réduction d'au moins 2 degrés des émissions de gaz à effet de serre (CES) ? Même si le texte final confirme «l'objectif de limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 degrés et si possible de 1,5 degré», ces questions sont légitimes. Eu égard à la succession des échecs lors des précédents rendez-vous, les appréhensions pour l'après-COP21 sont là. Pour la France, pays hôte de la rencontre, l'espoir est permis. Laurent Fabius, président de la COP21, a en effet qualifié ledit accord de «différencié, juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant.» C'est d'ailleurs en ces termes que le ministre français des Affaires étrangères a présenté l'accord universel sur le climat adopté samedi dernier. Les 195 Etats parties prenantes à la conférence ont donc finalement produit un ultime texte sur la lutte contre le réchauffement climatique. Cependant, l'accord en question ne précise pas les mesures à mettre en œuvre pour tenir l'engagement d'une transition vers un monde émettant peu de gaz à effet de serre (CES), même s'il constitue pour ses rédacteurs «le meilleur équilibre possible, un équilibre à la fois puissant et délicat, qui permettra à chaque délégation de rentrer chez elle la tête haute, avec des acquis importants». Mais des convergences restent encore à construire pour un dossier ouvert il y a plus de 40 ans. Entamées depuis 1972 avec le sommet de la Terre de Stockholm, les rencontres sur le climat se sont succédé au fil des ans jusqu'à la naissance du concept des COP (Conférences of Parties) en 1992 à Rio (Brésil) à l'occasion de la conférence décennale de l'Organisation des Nations unies (ONU) sur l'environnement et le développement. Un rendez-vous qui s'était soldé par la signature de la Déclaration de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement. Trois ans après, se tient la première COP à Berlin (Allemagne). Cela pour dire que le lancement du processus d'action pour la réduction du réchauffement climatique remonte à plus de vingt ans. Une période durant laquelle les engagements n'ont pas manqué, sans pour autant aller jusqu'au bout pour réaliser les résultats liés à la mise en œuvre de la Convention de Rio et du protocole de Kyoto (signé en décembre 1997) notamment. Cette année, à Paris, pour la première fois depuis plus de 20 ans de négociations aux Nations unies, les parties de la conférence ont tenté d'arracher un accord universel juridiquement contraignant sur le climat. Est-ce possible ? C'est la question que se posent de nombreux experts avec le retard pris dans le processus de réduction des changements climatiques. Elle s'impose également connaissant les divergences entre les pays développés et ceux en voie de développement. Ce que notera Nourredine Yessaa, directeur du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), également membre de la délégation algérienne à la COP21. Points d'achoppement, engagements non honorés «Depuis le début des négociations le 29 novembre et quelques heures avant la fin de la première phase de négociations au niveau des experts, il est regrettable de constater que les négociations continuent de se focaliser sur la tournure des phrases du texte de l'accord et pas sur les questions de fond qui sont de savoir comment mobiliser le financement pour assurer une transition vers des énergies vertes et pour faire face au dérèglement climatique (adaptation), pour les périodes pré-2020 et post-2020 ?» regrette notre expert rappelant que les pays en développement ne sont pas historiquement responsables du réchauffement climatique. Et de poursuivre : «Au vu de ces fortes divergences entre les deux blocs, il n'est pas encore clair comment intégrer la révision cyclique des engagements de réduction de gaz à effet de serre ou la progression des ambitions dans le texte de l'accord». Cela pour dire que les points d'achoppement restent nombreux. D'où la nécessité, de l'avis de notre expert, de trouver des terrains d'entente «qui demandent sûrement des compromis en toute équité et transparence pour parvenir à un accord juste et équilibré». Faudrait-il aussi que les engagements des pays développés en ce qui concerne la mobilisation des financements soient honorés. En effet, on demande aux pays pauvres qui sont de loin les moins pollueurs mais les plus pollués de renoncer à une partie de leur croissance. De leur côté, les pays industrialisés historiquement responsables du réchauffement en cours ne veulent plus être les seuls à payer. Ils demandent une contribution des pays émergents devenus de grands pollueurs comme la Chine, l'Inde, la Corée du Sud et les riches pays pétroliers. Pour une gouvernance plus respectueuse de l'environnement Les pays en développement déplorent d'ailleurs que l'autre bloc (les pays développés) n'ont pas tenu leurs engagements en ce qui concerne la deuxième période d'engagement du Protocole de Kyoto relative à la mobilisation de 100 milliards de dollars par an jusqu'à 2020 en direction des pays en développement. C'est le principal point de blocage. Initialement intégré dans la partie «accord» du texte, cet article a été inclus dans la partie qui le précède. Il aura donc moins de poids.Il s'agit aussi, selon Kamel Aït Chérif, expert en économie d'énergie, de réussir une nouvelle gouvernance mondiale, économique et commerciale plus respectueuse de l'environnement, et de respecter l'objectif du maintien du réchauffement climatique sous la limite de la température de 2°C d'ici 2100 (sans changement majeur dans le mix énergétique mondial), et de changer le mix énergétique mondial d'ici 2030 à travers le recours au gaz naturel qui pollue 50% moins que le charbon. Autant d'éléments sur lesquels sont attendus les pays développés. «Avec un rythme actuel de 40 milliards de tonnes par an, le seuil de 1000 milliards de tonnes serait atteint en 25 ans. Qui assumera l'engagement de combler le gap d'ambition de réduction de carbone de 40 à 70% à l'horizon 2050 et de 100% à 2100 ?» s'interroge à ce sujet le directeur du CDER. Un nouveau fonds pour les pays les moins développés En attendant la mise en pratique des conclusions de la cop21, la France avait annoncé un financement de 2 milliards de dollars pour les projets dans les énergies renouvelables en Afrique, et près de 260 millions de dollars financés par certains pays développés pour alimenter un nouveau fonds pour les pays les moins développés afin de s'adapter au réchauffement climatique. L'on parle par ailleurs de pressions qui commencent à être exercées par certains bailleurs des fonds pour freiner l'investissement dans les combustibles polluants comme le charbon. «C'est une première étape, on verra s'ils vont aller plus loin», nous dira le professeur Yessaa.