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Formalité électorale
Vu à la télé
Publié dans El Watan le 17 - 12 - 2015

C'est toujours palpitant, voire excitant d'attendre les résultats d'une élection soumise à une rude compétition, même quand on est persuadé d'avoir les faveurs des sondages.
Et cette attente reste un moment de grande intensité émotionnelle qui crée une atmosphère particulière aussi bien pour les vainqueurs que pour les vaincus. Immense joie chez les uns, profonde tristesse chez les autres. Ces scènes rapportées par les médias sont connues. Elles donnent la mesure de l'extrême vitalité de l'action politique et du rapport participatif qu'elle entretient avec les citoyens.
Quels que soient la nature ou l'enjeu du scrutin — qu'il soit régional, législatif ou présidentiel — le verdict est accepté dans le respect de l'autre. C'est la loi naturelle du combat électoral qui choisit, au final, celui qui a le plus convaincu et qui a surtout été fidèle à l'expression populaire dans toute sa plénitude. On parle bien sûr ici d'une élection libre, qui se manifeste exclusivement par les urnes. De ce type d'élection qui ne se déroule que dans les pays démocratiques où les voix des votants ne sont jamais détournées.
D'ailleurs, le système électoral est tellement bien structuré, contrôlé et transparent qu'il ne viendrait à l'idée de personne de mettre en doute sa fiabilité. Les pays démocratiques ont cette immense chance de vivre l'évènement électoral comme un acte citoyen, qui permet aux électeurs de s'impliquer dans le débat politique avec cette conviction de pouvoir, grâce à leurs voix, couronner les plus méritants et sanctionner ceux qui ont trahi leur confiance.
De pouvoir en fait intervenir réellement dans les changements que réclame une société et transformer, au besoin, les rapports de force qui les sous-tendent. Quand on est élu par les citoyens, on reste toujours sous surveillance de l'appréciation de ces derniers, jusqu'à la remise en jeu du mandat. Toute la beauté et l'efficience de l'élection libre est dans cette faculté citoyenne à avoir son destin entre ses mains, qui passe par l'isoloir des urnes. Les séquences télévisées que nous avons l'habitude de voir sur le déroulement d'une élection européenne, par exemple, illustrent la particularité du poids que représente non seulement le militant de base qui s'investit à fond pour faire gagner son parti, mais surtout le citoyen qui se reconnaît dans les idées défendues lors de la compétition politique et qu'il voudrait voir encore fleurir.
Qu'on soit de gauche, de droite, du centre ou des extrêmes, ce sont les mêmes angoisses, les mêmes palpitations… Jusqu'à la dernière minute du vote, les électeurs restent suspendus aux verdicts qui seront rendus, parfois avec une différence de quelques dizaines de voix seulement, avant d'exploser de joie dans le camp des victorieux, de fondre en larmes dans celui des défaits. C'est dire l'importance psychologique que revêt une participation électorale aux yeux du citoyen pour peu que celui-ci trouve les motivations nécessaires pour aller déposer son bulletin.
Pourquoi raconter cela, diriez-vous, alors que le système électoral favorisant la libre aspiration citoyenne n'est pas une nouveauté dans les nations développées puisqu'il constitue l'un des plus puissants fondements de la démocratie ? L'envie sûrement de leur ressembler et de vivre de telles expériences, mais surtout pour dire que depuis l'indépendance de leur pays, il y a déjà 53 ans, les Algériens n'ont jamais connu ni vécu une telle ambiance faite d'angoisse et d'appréhension liées directement à l'incertitude des urnes.
Depuis qu'il a été mis pour la première fois en contact avec l'urne à ce jour, l'électeur algérien a toujours eu cette étrange impression d'être une simple courroie de transmission pour servir des intérêts qui ne le concernent pas. Un sujet de formalité pour légitimer des politiques déjà en place, conçues sans sa consultation et pour lesquelles il n'éprouve aucune adhésion particulière. Deux phénomènes en corrélation ont façonné ce type de scrutin.
D'abord, l'élection n'a jamais été transparente, ce qui, par définition veut dire qu'elle a été livrée à toutes sortes de manipulations. Ensuite, elle perd d'avance sa crédibilité sachant que pratiquement tous les résultats qu'elle produit ne sont soumis à aucun suspense. Bourrage des urnes pour faire le plein et faire sortir de la boîte le candidat déjà sélectionné sans risquer la moindre contestation, c'est à cette terrible réalité que l'électeur algérien est confronté depuis des années, un scénario qui risque encore de durer. Dans les faits, cela se traduit par l'omniprésence en pôle position des partis et candidats du pouvoir qui sortent, en dépit de leur impopularité, victorieux dans n'importe quelle compétition où ils sont engagés.
De toute manière, le système électoral étant conçu pour valoriser la puissance politique et administrative du sérail, il est dans la logique des choses qu'il reste fermé à toute concurrence pouvant le remettre en cause. On va donc aux urnes non pas pour élire le candidat de notre choix et dont on pense qu'il a la volonté et les capacités de porter nos idées, mais pour accomplir formellement un geste qui aura une autre résonnance dans les coulisses. A titre d'exemple, même si on vote contre eux, on est pratiquement sûr de voir le FLN et le RND émerger du lot avec des scores qui prêteraient à rire. Les candidats du système ont pris cette habitude comme une règle irréversible pour trôner encore davantage.
L'arrogance d'un Saadani ou d'un Ouyahia quand ils mettent en avant la «suprématie» de leurs partis respectifs sur ceux de l'opposition tient de cette tradition qui les fait vaincre sans trop de gloire. Mais l'élection la plus représentative de ce système antidémocratique reste la présidentielle, où c'est toujours le candidat choisi dans les cercles fermés qui l'emporte.
D'ailleurs, en Algérie, on dit toujours que c'est le «candidat du consensus» ou, pour être plus précis, le candidat de l'armée. Bouteflika, qui traverse péniblement son quatrième mandat après avoir «revisité» la Constitution, n'a pas échappé à cet héritage qui nous donne à l'extérieur la vilaine image d'un pays arriéré et sous-développé.


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