Le scandale de la FIFA, au-delà des arrestations et des suspensions qui ont touché plusieurs membres du comité exécutif de l'instance, a surtout mis en lumière le silence complice de la justice européenne et des banques du vieux continent informées, depuis longtemps, des pratiques maffieuses au sein de la FIFA, et qui sont restées sourdes aux signaux d'alerte émis par des hommes et des organes qui dénonçaient la corruption à grande échelle mise en place par Joao Havelange (1974-1978) et couverte par son successeur Joseph Sepp Blatter (1978-2015). La palme dans le démantèlement de RICO (association de racketteurs), c'est le terme qu'utilise la justice américaine pour qualifier la FIFA, revient à la justice américaine. C'est elle qui a donné les premiers coups de semonce. Pourquoi elle et pas la justice européenne ? Pourtant, c'est sur le sol européen que tout se tramait. Aujourd'hui, des voix s'élèvent pour dénoncer l'inertie de la justice et de la police européennes. D'aucuns n'ont pas peur de parler de complicité. Les faits leur donnent raison. Tout a commencé lorsque des confrères européens et sud-américains ont découvert l'ampleur de la corruption au sein de la FIFA. Rapidement, un réseau de journalistes s'est constitué à l'effet de traquer tous les dépassements, détournements et autres versements de pots-de-vin effectués à ciel ouvert. La justice européenne tout comme la police ont été sollicitées pour apporter leur secours à l'œuvre de nettoyage de la FIFA. Elles n'ont pas bougé le petit doigt. Pourtant, ce ne sont pas les scandales et les affaires qui manquaient, à commencer par le scandale et la faillite d'ISL, la désignation de l'Allemagne pour organiser la Coupe du monde 2006 au détriment de l'Afrique du Sud, avec la complicité de Sepp Blatter. Il a fallu attendre le 2 décembre 2010 et le choix de la Russie et du Qatar pour l'organisation des Coupes du monde 2018 et 2022 pour que les lignes commencent à bouger par l'entremise de l'Oncle Sam, qui s'est senti humilié par la FIFA. Les Américains ont alors pris la résolution de raser la FIFA version Blatter et Platini. Lorsqu'ils ont commencé à enquêter sur les dessous du FIFAGate, ils ont sollicité l'aide des journalistes qui traquaient les scandales de la FIFA depuis des années. Les enquêteurs américains ont pris langue avec des journalistes d'investigations qui avaient des choses à dire et des preuves à dévoiler sur ce qui se passait à la FIFA. La suite, tout le monde la connaît. La justice américaine, forte des preuves qu'elle a rassemblées, a fendu sur des dignitaires de la FIFA réunis au Baur au Lac (Suisse) pour procéder aux premières arrestations sur le territoire helvétique, avec l'accord de la justice suisse. L'intervention musclée de la justice américaine en Suisse a été un camouflet pour son homologue européenne qui a préféré rester dans ses starting-blocks au lieu de prendre les devants. Par la suite, la justice américaine a avancé très vite parce que les prévenus ont commencé à cracher le morceau pour bénéficier de remises de peines. D'aucuns se sont interrogés pourquoi les arrestations n'ont concerné que des non-Européens et plus particulièrement des individus originaires de la Concacaf (Amérique centrale et Caraïbes) et de la Conmebol (Amérique du Sud). La réponse est simple. L'argent de la corruption a transité par des comptes, banques et paradis fiscaux situés dans ces deux régions du monde et où les Etats-Unis disposent d'un droit de regard presque absolu dans tout ce qui touche au secteur des banques. La justice européenne et la police vont devoir s'impliquer davantage dans la lutte contre la corruption et la remise de pots-de-vin. Comme l'a souligné un ancien membre du comité d'éthique de la FIFA : «Il n'est jamais tard pour traquer les voyous, surtout que le délit de corruption est imprescriptible.» Les instances judiciaires européennes disposent d'un vaste arsenal en la matière pour traquer tous ceux qui ont perçu, de manière irrégulière, de l'argent de la part de la FIFA et de ses responsables. Si elles veulent, elles peuvent remonter très loin, c'est-à-dire jusqu'à la période où est apparue la corruption à grande échelle dans le football et le sport. Les observateurs la situent à l'époque où Horst Dassler était le patron de la firme Adidas. Il suffit tout simplement de procéder à la réouverture du dossier ISL et de jeter un coup d'œil sur le dossier de l'affaire qu'a traitée le juge Handelband. C'est à cause de lui que Joao Havelange a démissionné du Comité olympique international (CIO) en 2011, pour échapper à une radiation et à des poursuites pénales. La justice et la police européennes prendront- elles, très prochainement, le relais de leurs homologues américaines pour en finir avec RICO ?