Comment tuer le temps ? Ce n'est plus un problème puisque le temps n'a ni origine ni point final. Comment tuer sa femme ? C'est un problème. Depuis quelques jours, Sheila, l'épouse américaine de Chaâbane, s'énerve vivement et le Ramadhan, s'il y est pour un peu, n'explique pas tout. Sheila en a marre, tout simplement. Six ans de vie algéroise, d'interdits, d'hypocrisies sociales et de pression continue sur les libertés, six ans d'ennui électroménager, six ans entourée de femmes aussi molles qu'un tas de sable et d'hommes qui détestent les femmes, les insultent dans les rues, leur crachent dessus ou les frappent, sous les rires d'une foule aussi lâche qu'un troupeau de gnous. Six ans surtout sans enfants, puisque Chaâbane, malgré sa virilité annoncée lors de leur mariage au Texas où il était en stage pour Sonatrach, n'a pu lui procurer de descendance. Six ans barakat ! a-t-elle répété avec ses peu de mots d'arabe hier à Chaâbane qui dormait du sommeil du juste, encore à 16h. A tel point que Sheila envisage de laisser traîner un peu d'uranium enrichi un peu partout pour encourager les Etats-Unis à envahir l'Algérie pour un salvateur retour à la normale. Ou laisser propager la rumeur dans le pays des rumeurs que Ben Laden se cacherait du côté de Jijel, à Texenna plus exactement. Chaâbane est au courant mais l'Amérique ne lui fait pas peur. Chaâbane comme les autres sait que le problème n'est pas externe mais interne. La rumeur qui fait état d'un groupe de kamikazes prêts à se faire sauter à Alger a fait le tour de la ville. Et Chaâbane, comme tous les autres, n'a peur que d'une chose : pas de bombes dans les marchés s'il vous plaît. Pas à cause des morts inutiles mais s'il n'y a plus de marché, que va-t-on manger ? Il est déjà 17h. Le temps de monter un scénario pour assassiner sa femme et c'est trop tard. Il est déjà l'heure. Saha ftoro.