Impressionnante cette rétrospective de l'artiste peintre, Saddek Amine-Khodja, qui, en consacrant un parcours artistique, initie, en parallèle, à l'art de l'abstrait, subtil et très peu saisissable du large public. Mais ce n'est pas une raison pour bouder l'exposition. Bien au contraire. Cela titille la curiosité, même si au final c'est la subjectivité qui l'emportera. Les œuvres d'Amine-Khodja ne sont pas une palette de couleurs. Très peu de toiles multichromes. Il s'en dégage du noir, pas du tout triste, c'est la base. Le point de départ, la matrice ou l'ultime convergence. Il n'y a pas eu d'évolution dans les nuances, la couleur noire est omniprésente, dominante. Elle enveloppe l'œuvre et révèle le message. Le noir c'est l'inconnu, la mort, mais c'est aussi la certitude, l'infini et les questions existentielles. La chronologie des œuvres exposées traverse le temps de 1968 à 2015. A chaque date, une période qui aura marqué le peintre. Tout travail est soumis à l'évolution et il y en a certainement chez Saddek Amine-Khodja. Sur quatre décennies de création, l'essence est immuable, l'expression aussi. Des périodesphare qui laisseront des empreintes solides sur l'itinéraire d'une vie vouée à l'art. «Les bas de femmes», «L'alphabet tifinagh», «Les collages» et «Les plastiques» sont autant de facettes dans la sensibilité du peintre. L'art n'est-il pas émotion ? «Il n'y a rien à comprendre dans mes œuvres. C'est un travail d'émotion, d'intuition et de sensation», dira le concerné. Inutile de comprendre ? Au moins tenter de saisir quelques-unes des nuances qui se dégagent de ces tableaux intitulés «Les bas de femmes» ou «A.T», ce qui résonne comme une évidence. «Si vous êtes choqués, c'est encore mieux, car 70% de mon travail sont de la création ; tout ce qui est nouveau n'est pas compris. Alors mon but est atteint, c'est celui d'apporter du nouveau», insiste-t-il. Le plasticien a-t-il choqué ? Certaines de ses toiles suscitent la curiosité, l'appréhension, parfois même l'ironie… des bas de femmes usés et une nuée de poils sont devenus les contours de quelques œuvres. Des images subliminales à la féminité, la sensualité, peut-être plus au superficiel et au volatile. Mais l'important est que cela fasse réagir. La rétrospective n'est pas passée inaperçue, encore moins dans l'indifférence. Elle aura ouvert une lucarne sur un mode d'art très peu vulgarisé. De simples matériaux sont sous les feux de la rampe. Des sacs en plastique noir et bleu se sont transformés — de vulgaires moyens d'emballage — en œuvre d'art que chacun peut apprécier ou d'ailleurs pas. Dans sa définition simple, l'art abstrait «est un langage visuel de formes, de couleurs et de lignes créant une composition qui peut exister totalement indépendamment des références visuelles classiques». Du consumérisme, à l'éphémère, voir l'art à travers des prismes pourrait s'avérer une lecture de l'évolution de l'être et de la société. A chacun d'en juger en visitant la rétrospective qui se tient jusqu'à la fin janvier.