Le docteur Saeed Hadj Mansour a fait partie des 39 personnalités du monde du football, venues d'Europe essentiellement, qui ont participé dernièrement à Munich à un séminaire consacré au développement de la discipline. Il parle dans cet entretien de la science d'entraînement et de beaucoup de choses… Entretien réalisé par Kamel Beniaïche Vous avez été dernièrement invité à prendre part à Munich à une conférence internationale sur le football. Peut-on avoir une idée sur les sujets abordés ? Sur invitation d'un entraîneur allemand, Franck Angel, j'ai participé avec 38 personnalités (entraîneurs et conférenciers) d'Europe à un important séminaire à Munich. Le développement du football du point de vue technique, physique, économique et psychique a fait l'objet, durant quatre jours, de communications et d'un débat de haut niveau. Les progrès réalisés par la préparation physique ont été le thème principal du séminaire. Pour preuve, dans les années 2000, les joueurs parcouraient entre 5 et 7 km par match. Grâce aux moyens et nouvelles méthodes de préparation physique spécifique au football qui n'ont rien à voir avec l'athlétisme, les compétiteurs sont en mesure de parcourir aujourd'hui entre 13 et 15 km par match. Où réside la différence entre la préparation physique d'un footballeur et celle d'un athlète ? On ne doit pas se leurrer, la différence est de taille. Pour l'illustration, un footballeur n'a pas besoin de courir ou de sauter seul. On ne peut donc dissocier une bonne préparation physique des situations de jeu (la direction et la trajectoire du ballon, les duels, le placement de l'adversaire, le schéma tactique, etc.). Le développement physique est en outre lié au schéma tactique et aux potentialités techniques du joueur. Le football moderne exige un effort surhumain. Pour l'illustration, un joueur est parfois obligé d'effectuer plusieurs accélérations en quelques secondes. Un tel exercice est irréalisable sans un cœur et des poumons bien préparés. Quels sont les autres sujets abordés ? L'évolution du jeu, les nouvelles approches et la réussite de l'Allemagne en Coupe du monde au Brésil ont été longuement discutées. Comme nous n'avons pas pu inventer de nouveaux schémas tactiques, les entraîneurs ont axé le gros du travail sur le groupe. Lequel doit attaquer et défendre en bloc. Appliquer une telle approche n'est pas une simple sinécure. Sans une excellente condition physique et un bon potentiel technico-tactique, on ne peut appliquer une telle démarche durant un match plein. Le caractère est une nouvelle exigence du football moderne. Avec sa forte personnalité, le Real Madrid peut gagner un match. Même s'il ne réalise pas une grande prestation. La complémentarité a été aussi débattue. 11 Messi ne feront pas forcement la meilleure équipe du monde. Ce paramètre relève de l'expérience et de la compétence du coach. Sans cette complémentarité d'un groupe homogène et soudé aussi bien à l'intérieur comme à l'extérieur du périmètre vert, l'Allemagne n'aurait pas décroché le titre mondial. Vous êtes l'un des rares entraîneurs en Algérie à pratiquer le tri quotidien qui n'est plus en vogue. Que recherchez-vous à travers une telle charge de travail ? Le football moderne exige d'un compétiteur entre 460 et 480 heures de travail par saison. Dans bon nombre de championnats européens, le joueur dispute entre 64 et 80 matches (ce qui représente 120 heures de travail). Avec parfois une cadence d'un match tous les trois jours. Le tri quotidien est indispensable pour un joueur ne disputant que 30 ou 40 rencontres par saison. Comme c'est le cas chez nous. Une telle démarche permet au compétiteur de tenir bon 90 minutes durant. On doit savoir que l'entraînement est à la fois du travail et de la récupération. Il m'est arrivé parfois d'introduire une 4e séance. Celle-ci intervient généralement à l'intersaison. De nombreux clubs algériens préfèrent effectuer la préparation d'intersaison dans des pays chauds, tels que la Tunisie et le Maroc. Que préconise la science dans ce domaine ? Une excellente préparation d'intersaison doit obligatoirement se dérouler sur un site se trouvant entre 800 à 1200 m au-dessus de la mer. Une telle option permet une excellente oxygénation, une économie d'énergie et l'augmentation des capillaires sanguins. A défaut des centres d'Europe notamment de l'Est, l'Algérie dispose de beaucoup de sites qui répondent aux facteurs précités. Des sites comme Tikdja (Bouira), Chréa (Blida) ou Megres (Sétif) sont d'excellents endroits pour y effectuer une bonne préparation. Le choix des pays chauds est contre-indiqué. Lors du match de Coupe d'Algérie ayant opposé l'ESS au CRB, des joueurs ont été tenaillés par des crampes... Avec une excellente préparation physique, le joueur doit être en mesure de terminer la rencontre avec des aptitudes physiques identiques à celles du coup de starter. Le problème exposé résulte d'une préparation physique aléatoire. Comme vous savez, ce facteur est un des principaux paramètres de réussite d'une saison sportive… Que dit la science à propos des récurrents repos octroyés aux professionnels des Ligues 1 et 2 après trois ou quatre rencontres disputées ? La science de l'entraînement ne reconnaît pas cette méthode. Je suis désolé de le dire, mais cette approche s'apparente à de l'amateurisme. Même en période transitoire (intersaison), le compétiteur est astreint à un repos actif puisqu'il doit suivre un programme de maintien de la forme. Lequel englobe la marche, la natation, une balade en montagne et autres. Après un match, une séance de récupération est indispensable. D'après vous, que doit faire le football algérien pour qu'il puisse produire de nouveaux Madjer, Bencheikh, Merzekane et autres ? Prendre soin du développement des jeunes devant se préparer sur des terrains en gazon naturel est une condition sine qua non. On doit obligatoirement respecter les étapes d'entraînement et de développement des jeunes. L'apprentissage de la culture tactique commence à un âge précoce. Le développement de la vitesse d'exécution est le point cardinal de toute progression. Savez-vous qu'actuellement, les grands joueurs sont en mesure de réagir au-dessous de la barre de 0,3''. Une telle performance est le fruit d'un travail de longue haleine. Avec les moyens mis à la disposition des clubs et des différentes sélections, le football algérien a tout pour réussir. Ces derniers temps, on ne vous voit plus sur les terrains... Une chape de plomb pèse sur moi. Je suis marginalisé parce que je suis Palestinien. Dire que j'ai toujours donné le meilleur de moi-même pour que les cousins de mes enfants (il est marié à une Algérienne, ndlr) puissent bénéficier de mon expérience et de mon savoir-faire.