La publication au Journal officiel de l'amendement apporté au code pénal, notamment dans le volet relatif aux violences faites aux femmes, ne laisse pas les associations de défense des droits des femmes indifférentes. Mais au lieu d'être euphoriques, certaines militantes observent la prudence, d'autant que la loi comporte des zones d'ombres. Les associations et les militantes qui se sont exprimées jusque-là s'accordent sur un fait : la publication — donc la mise en œuvre — de la loi est en soi un acquis. «Le fait est là : la loi est mise en application. C'est le couronnement de nos luttes. Cela constitue une avancée considérable», dit Soumia Salhi, militante. «La publication au Journal officiel est la fin du parcours de cette loi. Elle a le mérite, au moins, d'être dissuasive : désormais, personne ne pourra faire en sorte que cette loi n'existe pas. Il faut que les gens la connaissent», assure, de son côté, Nadia Aït Zaï, avocate et présidente du Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef). Les deux militantes, aux avant-postes des combats pour les droits des femmes, redoutent par contre l'application de la loi. Le sentiment est beaucoup plus présent chez Soumia Salhi qui appréhende l'application, à outrance, du pare-choc que constitue le pardon «cité 5 fois» dans le texte, comme le rappelle le réseau Wassila. Dans le cas où un des époux accorde le pardon à son «agresseur», la poursuite judiciaire s'arrête automatiquement stipule, en effet, un des articles de loi. Une disposition qui fait craindre aux militantes l'exercice de pressions sur les épouses. Pour illustrer cette crainte, Soumia Salhi cite l'exemple de la pénalisation du harcèlement sexuel : «La loi existe. Mais comme ce genre d'infractions se passe souvent à huis clos, il faut des témoins. Or, la loi ne protège pas assez les témoins qui subissent des représailles.» Par contre, Nadia Aït Zaï est beaucoup plus optimiste ; pour elle, les premières plaintes qui s'appuieront sur la loi «seront déterminantes». «Les juges seront obligés d'appliquer la loi», insiste l'avocate. «Nous devons, à présent, gagner la bataille de la société, qui doit être convaincue de la justesse de notre cause», conclut Soumia Salhi. Une manière pour elles et les autres militantes de signifier que «le combat continue» pour d'autres acquis.