Bien que le monopole est en infraction avec la loi et que le décret de 1993 n'a été publié que pour une période de 3 ans, l'agence publique de publicité continue de centraliser, à elle seule et sans se soucier des lois, la publicité publique. La publication du document qui met en cause des membres du gouvernement, qui se trouvaient être derrière l'attribution de la publicité publique aux journaux du général Mohamed Betchine, remet sur la table la question du monopole qu'exerce cette institution sur la publicité publique. Et cela prouve que le problème ne date pas d'aujourd'hui. La décision de monopoliser le marché de la publicité étatique et, notamment, des annonces des institutions date donc de plus de 23 ans. Selon l'avocat Mohamed Brahimi, les autorités ont même pris le risque de violer la loi sur la concurrence en réintroduisant, en 1993, le monopole de l'ANEP sur la publicité publique. «Le problème est que ce décret est devenu caduc à la date du 16 août 1996 et n'a plus aucune valeur juridique puisque son article 1 énonce expressément que ses dispositions sont transitoires et n'ont d'effet que pour une période de trois ans», écrit l'avocat dans une constribution publiée par El Watan en novembre 2014. «Ce décret (de 1993), bien que promulgué après celui du 18 octobre 1988 interdisant le monopole commercial, a bien réinstitutionnalisé le monopole de l'ANEP sur la publicité des annonceurs publics puisqu'il stipule expressément que ‘‘la gestion opérationnelle des budgets d'annonces publicitaires des annonceurs publics est confiée de façon exclusive à l'ANEP''», précise l'avocat qui rappelle même que les responsables des médias qui se sentent lésés peuvent s'adresser au Conseil national de la concurrence. Bien que le monopole est en infraction avec la loi et que le décret de 1993 n'a été publié que pour une période de 3 ans, l'agence publique de publicité continue de centraliser, à elle seule et sans se soucier des lois, la publicité publique. Pis, souvent, l'ANEP refuse de tenir compte des demandes des annonceurs. Résultat : «Une offre d'emploi qu'on donne dans un journal de 500 exemplaires, c'est ne pas permettre aux Algériens de se présenter au concours», résume Abdelaziz Rahabi, l'ancien ministre de la Communication, dans un entretien accordé à notre journal. L'ancien ministre, qui a tenté de briser ce monopole lorsqu'il était en poste, s'interroge : «Est-il normal qu'un concours d'accès à l'ENA soit publié dans des journaux au tirage de 500 exemplaires ? On viole un principe constitutionnel qui est celui de l'égal accès des Algériens à la Fonction publique.» Pour l'ancien ministre, l'objectif des autorités est clair : elles veulent utiliser la manne publicitaire contre les journaux libres. Mais cela sert également à nourrir la clientèle du pouvoir. «On crée un titre, on lui donne 20 ou 30 millions de dinars par mois, il ne paye pas la rotative, puis disparaît au bout d'une année ou deux. Multipliez cela sur dix ans, vous avez au moins un milliard de dollars de pub passé par l'ANEP», dit-il. Malgré les déclarations des autorités, le monopole sur la publicité reste de mise. Les mêmes effets produisent les mêmes résultats.