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Ramadhan ordinaire, mais jamais banal au Caire
Balade nocturne dans la capitale égyptienne
Publié dans El Watan le 05 - 10 - 2006

A 20 h, à peine deux heures après la rupture du jeûne, la foule dans le métro du Caire est aussi compacte que pendant les pires heures de pointe. Dans le premier wagon, toujours réservé aux femmes, on n'en finit plus de se serrer pour permettre aux nouvelles fournées de pénétrer alors que celles qui veulent descendre doivent se battre littéralement pour ne pas être englouties dans le tourniquet de l'ouverture des portières, un grand classique du métro cairote, Ramadhan ou pas.
Entrer dans le métro n'est pas aisé, mais en sortir à la bonne station est souvent une gageure. Qu'à cela ne tienne, les sourires ont remplacé les bâillements de la journée, parties les mines grises, les traits tirés, les expressions assoupies, les foulards et les visages ont pris des couleurs, les filles sont maquillées, les mères de famille aussi un peu, et dans l'atmosphère suffocante il y a une bataille que se livrent toutes sortes de parfums : les Cairotes s'en vont festoyer après une dure journée de privations. Elles vont passer la soirée dehors, faire du shopping, manger des gâteaux au miel à la saveur douteuse, le plus souvent elles se dirigent vers les parcs qui se comptent au compte-gouttes au Caire, où la moindre portion de pelouse devant les grands bâtiments administratifs est prise d'assaut par des centaines de gens qui viennent s'asseoir pour regarder les autres passer, où les couples se parlent platoniquement sans se toucher et où les groupes de jeunes adolescents se tiennent les côtes en riant à force de se moquer des passants. Aux bords du Nil, il y a foule de gens et de felouques qui attendent de charger un maximum de clients pour une tournée qui durera une heure dans des embarcations aux lumières aussi stridentes que la musique baladi qui les fait tanguer. Au Caire, bien plus qu'à Alger, les femmes sont majoritairement voilées, elles le sont à plus de 90% et dans la frange ultra-minoritaire de celles qui ne portent pas de hijab, une majorité sont des coptes. Et pourtant, la nuit est moins machiste au Caire qu'à Alger : avec ou sans Ramadhan, avec ou sans foulard, les femmes sont partout présentes hors de leur foyer. Les grandes artères du vieux wist el balad, le centre-ville sont bondées plus que d'habitude, les magasins sont ouverts, les vendeurs à la sauvette sont d'attaque, les « fanous », ces espèces de lanternes fabriquées par milliers (en Egypte et un peu aussi en Chine) spécialement pour le Ramadhan comme des versions cheap et au kitsch criard des vieilles lanternes orientales, sont suspendus à toutes les devantures, aux balcons des immeubles, aux portes des banques, grands et petits hôtels, restaurants et complexes commerciaux.
Pas de Ramadhan sans fanous
Ici, on ne conçoit pas de Ramadhan sans « fanous », Ahmad, 30 ans, des yeux verts et doux, a échangé ses articles de papeterie contre toutes sortes de fanous qu'il expose sur le trottoir. A l'idée que dans d'autres pays musulmans, l'Algérie par exemple, on ne connaît pas la coutume du fanous, il est littéralement incrédule : « Le fanous c'est la zina, la beauté des nuits du Ramadhan, c'est ce qui les rend infinies, m'explique-t-il un tantinet poète, chaque famille en achète un neuf à l'arrivée du Ramadhan, jamais on n'utilise le fanous de l'année dernière, c'est la coutume chez nous. » Dans le vieux quartier fatimide où les célèbres mosquées Al Azhar et Al Hussein se font face par-delà une route impossible à traverser à pied et où la présence de la police au centimètre carré est impressionnante : les touristes aussi sont d'attaque, des énormes bus blanc étincelant les déversent par flots à intervalles réguliers. Ils sont évidemment moins nombreux que lors de la haute saison touristique en Egypte, qui ne commence que lorsque les températures daignent baisser un peu, à savoir vers le mois de novembre, mais pas un Egyptien ne vous dira qu'il a peur de ne plus voir de touristes en son pays, « c'est impossible », disent-ils tous, même aux lendemains des attentats ou attaques sanglantes qui ont eu lieu ces dernières années.
« Ya halla ! Ya halla ! »
« Quoi qu'il arrive, l'Egypte attirera toujours les touristes », disent-ils confiants, comme on énonce une évidence. Et ils ont raison, les flux de visiteurs venus du monde entier ont beau diminuer pour cause de facteurs de sécurité, mais jamais ils ne tarissent. Avant de me jeter dans la foule d'Al Hussein, quartier que les étrangers aiment appeler Khan Al Khalili, je bifurque derrière les grands murs de ce qui fut, en des temps très lointains, la plus vieille et la plus prestigieuse université du monde, la mosquée Al Azhar, pour me diriger vers l'un des centres de gravité des festivités du Ramadhan au Caire, une vieille maison fatimide, Beit El Harraoui, belle à mourir, toute en délicatesses et moucharabieh, dont le patio est transformé en salle ouverte de concerts musicaux. En cette soirée du Ramadhan, les programmes n'ont pas encore commencé, il n'y a pas grand monde aux portes, juste deux ou trois personnes attablées devant des narguilés et des verres de thé. Pourtant, des notes de luth parviennent du patio et lorsque j'entre, j'ai envie de me pincer : je crois voir Nacer Sheema, c'est bien lui, célèbre luthiste irakien qui a élu exil au Caire, entouré par un demi-cercle de jeunes musiciens. Ils répètent tout simplement. Mon arrivée impromptue n'a pas l'air de les déranger, ils sont concentrés et Nacer Sheema en chemise bleue pâle a le visage fatigué et la barbe moins bien taillée que lorsqu'il est sur scène.
une majorité chez les sunnites
Je repars sur la pointe des pieds, et pour traverser la rue du côté où s'élève la mosquée Al Hussein, il faut passer en dessous, prendre un tunnel qui a été rafraîchi à la chaux et enluminé, l'odeur insupportable de pissotière qui le caractérisait, il y a à peine quelques semaines, a disparu et un vieil aveugle assis parterre récite des versets du Coran d'une voix à la fois douce et rauque, c'est tellement mélodieux que beaucoup de passants reviennent sur leurs pas pour lui mettre dans la main des billets froissés, et je ne peux m'empêcher de penser que ce serait tellement mieux si on remplaçait par des voix comme celle-ci tous ces hurlements lâchés en kilos de décibels par des haut-parleurs poussés à bout, des voix énervées et perçantes qui appellent à la prière comme on pointe sur vous une gâchette… Chez Ahmad, un autre, la quarantaine bien capitalisée, patron du café Al Zahra, dont la terrasse fait face à la mosquée où tous les Egyptiens vous jurent par leurs grands dieux que la tête de l'imam El Hussein, fils de l'imam Ali, est enterré. « Son corps est bel bien enterré à Kerbala en Irak, mais sa tête est ici », vous assurent-ils. A l'intérieur de la mosquée trône un mausolée habillé de vert et or, visité avec une ferveur exubérante par des milliers de croyants à toutes les périodes de l'année. Pour être majoritairement sunites, les Egyptiens n'en sont pas moins attachés à des coutumes et rites plus répandus chez les chiites, vestiges de l'époque glorieuse du Caire fatimide, bâti par nos ancêtres les Berbères. Mais ce soir, la séance habituelle de dikr, qui suit habituellement la prière des tarawih, a été remplacée par une rencontre de théologiens austères qui ne psalmodient pas mais glosent sous une immense tente barrée par une grande bannière annonçant : « Moultaqa al fikr al islami ». Le patron du café me rappelle, encore une fois, que pour avoir visité l'Algérie, en tant que supporter de football, il s'est fait tabasser à Annaba par des supporters algériens, réputés ici pour leur médiocre sens du fair-play. Il est très occupé ce soir, aux petits soins de quelques clients originaires du Golfe, qui sont les plus grands contingents de touristes que connaît la saison estivale égyptienne. Les serveurs tournent et servent du « ya halla ya halla » à tous les visages arabes qui ne parlent pas avec l'accent égyptien. Une jeune femme seule, aux grands yeux marrons et dont le foulard laisse voir une belle mèche de cheveux roux, sirote un jus de mangue et une chicha à côté de moi, elle s'appelle Abir et vit en Arabie Saoudite, elle vient pour respirer de temps à autre dans son pays d'origine. Les touristes occidentaux ne s'attardent pas sur ces terrasses où une armée de serveurs et de rabatteurs tentent de les faire attarder au maximum, ils préfèrent s'engouffrer dans le dédale du marché où se vendent toutes sortes de souvenirs, made in China, censés évoquer l'antique civilisation pharaonique. Dans une terrasse où tous les regards sont tournés vers l'écran d'une télé, qui diffuse l'attraction numéro un ici, un match Zamalek-Ismailiya, se trouvent l'ambassadeur des Etats-Unis en compagnie de son épouse et de sa fille, fumant un narguilé à la pomme et répondant aux questions plus ou moins timorées de quelques audacieux qui ne s'attendaient pas à se retrouver en compagnie du représentant de la toute puissante Amérique. La photo du couple diplomatique sera le lendemain dans les journaux. On dit au Caire que l'ambassadeur américain - qui aime à montrer une facette simple, humaine et conviviale d'un pays qui se distingue par son bellicisme et son arrogance - est friand de soufisme, de dikr et ne raterait pour rien au monde un mawled célébré par les confréries soufies. Mais ce soir, pas de dikr, c'est ou l'austère rencontre sur la pensée islamique ou le match Zamalek-Ismailiya.


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