Beaucoup de publications auraient laissé de lourdes ardoises auprès des imprimeurs publics qui les tiraient «presque» gratuitement durant des mois, voire des années. Dans le sillage de la «libération» du champ politique, les autorités ont inondé les kiosques de journaux. Alors que la scène médiatique ne savait pas trop quoi faire des dizaines de journaux que les imprimeries d'Etat tiraient chaque matin, les autorités en charge de la communication distribuaient, à la pelle et souvent à la clientèle du pouvoir, des agréments pour créer des journaux de toute forme. Résultat : différentes sources évoquent la création d'au moins 140 journaux, dont la majorité écrasante est constituée de quotidiens. Alors que seuls cinq à six journaux trouvent chaque matin des lecteurs dans les kiosques, les autorités ont pris l'option de «polluer» le paysage par des publications qui ne sont viables que par la distribution de la publicité publique. Tous ces journaux, dont certains ne sont même pas distribués, bénéficient d'annonces publicitaires offertes gracieusement par le biais de l'Agence nationale d'édition et de publicité (ANEP). Et c'est tellement juteux que des dizaines de personnes, venues de différents horizons, accourent pour obtenir le fameux sésame. «Viens créer un journal pour prendre ta part de publicité», dit un fonctionnaire d'une grande entreprise publique, reconverti en éditeur de presse. Pis, l'homme se vante même d'avoir une masse salariale qui ne dépasse pas les 100 000 DA. Autant dire qu'il ne dispose pratiquement pas de personnel rédactionnel. Et pour «remplir» le journal, il se limite à reproduire les informations que les agences de presse mettent gracieusement en ligne. Plus que cela, le «patron de presse» a bénéficié de locaux à l'intérieur de la Maison de la presse. Des ministres et de hauts responsables ont également profité de cette «ouverture» pour «arracher» des agréments à leurs proches. Ainsi, un ancien ministre, qui n'a pas duré dans le gouvernement Sellal 1, a mis son fils sur les rails et obtenu l'agrément d'un journal. Installée sur les hauteurs d'Alger, la publication n'a pas survécu à la réalité économique ; elle a fermé sans payer les quelques journalistes qui y travaillaient. Ce média a subi le sort d'El Adjwaa, un journal édité en deux langues et fondé par un proche de Miloud Chorfi, ancien n°2 du RND et actuel sénateur du tiers présidentiel. D'autres journaux, créés dans le sillage de cette frénésie journalistique, ont mis la clé sous le paillasson sans faire de bruit. Plus grave, beaucoup de ces publications auraient laissé de lourdes ardoises auprès des imprimeurs publics qui les tiraient «presque» gratuitement durant des mois, voire des années. Une situation à laquelle n'échappent pas des journaux beaucoup plus anciens, mais dont les entreprises n'ont jamais évolué. Des publications qui ont parfois 20 ans d'âge vivotent toujours grâce à l'argent de l'ANEP et croulent sous les dettes des imprimeurs et des impôts. Un relevé de la Société d'impression d'Alger (Simpral) fait état de dettes de 100 milliards de centimes jusqu'au mois de mai dernier. Certains journaux traînent ces créances depuis plus de 10 ans et ont changé d'imprimeur. Les sommes sont beaucoup plus importantes chez la Société d'impression d'Alger (SIA) et ses semblables, à l'est et à l'ouest du pays. Pour payer ce déficit, l'Etat met la main à la poche. Pour tenter d'amortir le choc de l'augmentation des frais d'impression, les sociétés publiques auraient envoyé des mises en garde aux publications qui ne paient pas les prestations des sociétés publiques. La chute brutale des prix du pétrole et la baisse des projets publics entraînent une baisse des annonces publicitaires. Ce qui a poussé l'ANEP, qui a perdu jusqu'à 70% de ses recettes, à couper les vivres à beaucoup de journaux. Diverses sources indiquent déjà qu'une quarantaine vont fermer. Et vont provoquer le chômage de centaines d'employés qui, eux, n'ont aucune responsabilité dans cette situation.